Gmail suspendu en Iran

par Camille Gévaudan
publié le 11 février 2010 à 17h05

La fête bat son plein en Iran. Alors que plusieurs rassemblements officiels sont organisés pour le 31e anniversaire de la révolution islamique , l'organisation des manifestations opposantes est soigneusement entravée. «Certaines compagnies de téléphonie mobile , selon Reporters sans frontières , ne permettent plus d'envoyer des SMS.» Au moins neuf journalistes auraient été arrêtés puis «transférés dans des lieux inconnus» , et le réseau Internet est fortement «perturbé» depuis cinq jours déjà. Pour couronner le tout, l'Agence iranienne des télécommunications a annoncé la suspension permanente et définitive de Gmail, la messagerie de Google.

Il ne faut y voir aucune volonté d'étouffer les conversations électroniques incontrôlées ni de restreindre la liberté d'expression des citoyens iraniens, bien entendu. Selon les propos de l'agence rapportés par le Wall Street Journal , le blocage de Gmail aurait des motivations économiques. Téhéran compte lancer prochainement un nouveau service national de messagerie, pour «stimuler le développement local des technologies Internet et instaurer la confiance entre le peuple et le gouvernement» . En guise de confiance, le gouvernement disposerait alors d' «un accès à tout le contenu des messages qui y transitent , explique au WSJ Richard Stiennon, fondateur de la société de sécurité américaine IT-Harvest. Il pourra réprimer les opposants et ceux qui menacent le gouvernement.»

Hier soir, un porte-parole de Google disait avoir effectivement constaté une forte baisse de trafic dans la circulation des e-mails iraniens, et garantissait, après vérification de leurs réseaux, que les difficultés techniques ne provenaient pas de Mountain View. Des retours d'utilisateurs iraniens leur auraient confirmé que Gmail n'était plus accessible.

Les autres services de messagerie utilisés en Iran ne semblent pas menacés pour l'instant, du fait de leur moindre popularité. C'est Gmail qui occupe actuellement la première place sur le marché, après avoir doublé Yahoo! en 2009. «Les internautes croient Google plus sécurisé, ou moins facilement infiltrable par les censeurs du gouvernement» , explique le militant Nikahang Kowsar. Cette opinion pourra être renforcée par le récent accord prévoyant une collaboration entre l' Agence de sécurité nationale américaine et Google, en vue d'améliorer la sécurité de ses réseaux. La NSA devrait notamment assurer une meilleure protection des utilisateurs de Google, sans pour cela accéder à leur requêtes ou au contenu de leurs échanges.

La réaction du département d'État américain a été pour le moins optimiste : «Les murs virtuels ne fonctionneront pas plus au 21e siècle que les murs physiques n'ont fonctionné au 20e siècle. Le citoyens iraniens sont dynamiques et déterminés ; ils trouveront le moyen de contourner les obstacles que le gouvernement place sur leur chemin.»

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