Menu
Libération

Go ok go go

Comment les quatre rockeurs américains d'OK Go ont tissé leur succès à coups de vidéos visitées par millions sur le Net. Un cas d'école en concert ce soir à Paris.
par Marie Lechner
publié le 15 septembre 2006 à 23h18

Ils mettraient au tapis le plus entraîné des boys bands. Littéralement. Le nouveau clip d'OK Go, Here it Goes Again, une chorégraphie décoiffante sur huit tapis de course (1), est en train d'exploser les charts de YouTube, site de vidéos communautaire, où il caracole en tête des clips les plus vus de tous les temps (plus de six millions de fois). Une popularité qui les a directement propulsés aux MTV Video Music Awards, où ils exécutaient en direct leur numéro hilarant (dont le déjà mythique «pas du patineur»), surclassant leur précédent carton, A Million Ways.

Défi. Les dandys d'OK Go, groupe power pop de Chicago et Washington DC, n'ont qu'une lointaine parenté avec les groupes de garçons qui dansent. Cheveux en pétard, rouflaquettes, veston cintré et cravates psychédéliques, les quatre zouaves sont devenus en quelques mois les coqueluches de YouTube et les rois de la vidéo virale, avec ce qu'on a fini par rebaptiser la «OK Go dance» ou backyard dancing (la danse de l'arrière-cour). «A l'origine, raconte Damian, guitariste et chanteur fluet du groupe, on a conçu ce numéro comme une cascade pour nos concerts. On voulait être capables de poser nos instruments au beau milieu du spectacle et de se mettre à danser.»

Sous la houlette de la soeur du chanteur, danseuse de salon professionnelle, le quartet répète ses pas dans le jardin, concocte une danse idiote et gentiment moqueuse des chorégraphies stéréotypées, façon Nsync. La vidéo d'entraînement d'A Million Ways atterrit sur le Net en août 2005. «Quand les téléchargements ont commencé à atteindre les millions, on a pris conscience que notre vidéo maison remplissait la fonction d'un vrai clip : donner aux gens une raison supplémentaire d'aimer la chanson.» Ce clip leur aura coûté 5 dollars.

Concours. Les fans ne se contentent pas de visionner le clip, la «OK Go dance» fait des émules, macarena virale reprise aux quatre coins du globe par des écolières japonaises, des danseurs de claquettes, des mariées, des ados de tout poil qui se filment en train d'exécuter la danse dans des jardins, des fontaines, des champs de maïs, sur les toits... «Avant même que YouTube existe, des gens ont envoyé des DVD à notre bureau et des fichiers vidéo par mail. Au début, ils provenaient essentiellement de concours de jeunes talents et de mariages. Au fur et à mesure que leur nombre croissait, nous avons été de plus en plus impressionnés.» Malins, les OK Go décident de lancer un concours sur YouTube, en juillet 2006, invitant les fans à soumettre leurs films. En jeu, une invitation à faire le mariole avec eux sur scène. Les vidéos affluent par centaines. Bilan : «Certains recréent la danse à la perfection. D'autres proposent des réinterprétations totalement sauvages : costume Amish, version Lego animés, voire sous-marine.»

Surfant sur le buzz, les OK Go imaginent en juillet une nouvelle vidéo dans la même veine qui, tout en conservant son côté pseudo-amateur, gagne en sophistication. Leurs cabrioles sur tapis roulant se répandent sur le Net comme la poudre et dynamitent les ventes de leur album Oh No, produit par Tore Johansson (Franz Ferdinand, The Cardigans). Déjà, les premières lettres de fans leur parviennent, demandant comment acquérir une poignée de tapis de course. «Le numéro est à la fois dangereux et, contrairement aux apparences, difficile, tente de modérer Damian. C'est probablement dans notre intérêt de décourager les fans. Nous n'aurions pas les moyens de payer les frais d'hospitalisation des plus ambitieux.» En vain, les premières vidéos de la treadmills dance sont d'ores et déjà en ligne.

«Frontières floues». Les OK Go sont-ils voués à n'être qu'une bande de rigolos qui fait marrer la galerie ? «On espère n'être pas seulement une éphémère curiosité, une distraction de bureau, mais les premiers d'une lignée de musiciens qui ont bien utilisé l'Internet, précise Damian. Ce qui est fascinant avec le Net, c'est que les frontières sont floues entre les gens qui produisent la musique et les communautés qui se construisent autour. Si vous tapez OK Go dans le moteur de recherche de YouTube, vous trouverez les vidéos que nous avons produites, celles des fans, des interviews, des images de concerts, d'apparitions télé, des vidéos d'autres groupes... Au total, il y a beaucoup plus de matériel généré par la communauté qui nous écoute que par nous-mêmes. Ce qui aurait été difficile à imaginer, il y a dix ans de ça.»

(1) La chorégraphie originale : «A million ways» : www.youtube.com/watch?v=XkCfh7ayDms

La compétition : www.youtube.com/groups_videos ?name=okgodance

Un montage : www.youtube.com/watch?v=kddQD2NIHBw

La vidéo sur tapis de course : www.youtube.com/watch?v=GCjSwr7zYtE

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique