« Good Morning England », bye bye pirates

La comédie pop de Richard Curtis, avec un casting maxi-geek et une BO magistrale, s'intéresse aux radios pirates des 60's.
par Alexandre Hervaud
publié le 12 mai 2009 à 16h01

Le film Good Morning England (retitrage français un peu facile de The Boat that Rocked ), signé Richard Curtis, est sorti dans les salles françaises la semaine dernière. On y suit les mésaventures d'une bande d'animateurs d'une radio pirate émettant depuis un bateau ancré au large du Royaume-Uni, dans les eaux internationales. Comédie pop située dans les 60's, le long métrage, sans être déplaisant, a tout du parfait film d'escroc. Ses deux principales qualités, son casting et sa bande son (lien Spotify) sont tellement imposantes (et omniprésentes) qu'elles réussissent à occulter les défauts du métrage.

En février déjà, dans Trailer est-il , on s'enflammait, à raison, devant le défilé de gueules connues qui peuplent le film : aux côtés de Philip Seymour Hoffman et Kenneth Branagh, on retrouve Nick Frost ( Shaun of the Dead ), Bill Nighy ( H2G2 ), Rhys Darby ( Flight of the Conchords ), Chris O'Down ( The IT Crowd ), Rhys Ifans ( Little Nicky )... Niveau musique, c'est l'embouteillage de bon goût : The Kinks, Small Faces, Rolling Stones, Yardbirds, Hendrix, Bowie, etc. Inutile de dire que ces deux éléments garantissent de passer un bon moment devant la chose, mais ils masquent des carences d'un scénario assez prévisible et pas toujours à la hauteur de son sujet.

Le film a toutefois le mérite de remettre au goût du jour les fameuses radios pirate qui sévissaient en Europe du Nord à partir des années 60, comme Radio Caroline, l'une des plus fameuses d'entre elles, qui a largement influé sur le scénario de Good Morning England . Le site de l'INA permet de consulter gratuitement un reportage français réalisé pour l'ORTF en 1966 dans le cadre de l'émission Zoom . Intitulé Pop Pirate , ce document rare de 22 minutes comprend des entretiens (la plupart en français) des différentes parties concernées à l'époque : des djs (dont le fameux President Rosco, américain francophile qui a inspiré le personnage du Comte, interprété par Philipp Seymour Hoffman dans le film), le patron de Radio Caroline, un responsable de la BBC, tout en revenant sur un fait divers glauque qui avait entâché le milieu à l'époque...

Note : on se ferait un plaisir de vous proposer ici-même le reportage en question, mais [la vidéo n'est pas exportable, à croire que le compte Dailymotion de l'INA est réservé aux prestations de Carlos et à celles de Maïté ,l'amie des anguilles. Hey, l'INA, vous faîtes un super boulot de restauration et d'archivage, pourquoi ne pas faciliter sa diffusion ? On sait bien que vous avez un modèle économique à suivre, avec location, achat et gravure DVD d'extraits, mais bon...]

L'interview ci-dessous, conduite récemment sur la chaîne anglaise GMTV, permet de retrouver le fameux President Rosco, qui s'exprime cette fois-ci dans sa langue natale à propos de ses activités de dj. «Il y avait de la camaraderie entre djs à l'époque, on était tellement motivés pour combattre la BBC et le gouvernement travailliste.» . En effet, le Labour, parti que l'on pourrait classer «à gauche», était au pouvoir dans les années 60, et menait la vie dure aux radios pirates qui luttaient contre le monopole de la radio d'état.

L'un des fervents opposants travaillistes aux radios offshore , Tony Benn, est interrogé, de nos jours, dans la vidéo ci-dessous, qui contient également des images d'archives du même homme, déclarant : «ils volent les droits d'auteurs (...), les pirates sont une menace et je suis persuadé que l'opinion publique soutiendra nos actions pour faire appliquer la loi» . Imaginez un instant le bougre avec des cheveux long et un «anéfé» au coin de la bouche, ils vous rappellera sans doute quelqu'un actuellement en poste dans le gouvernement français...

L'ironie de l'affaire, qui donne un goût amer à la vision du film, est que son réalisateur, Richard Curtis, fait partie des signataires d'un article paru dans le Times en décembre dernier, comme l'a signalé Torrentfreak . Dans cet «appel à l'action pour endiguer le téléchargement illégal» , les différents signataires (dont Kenneth Branagh, également à l'affiche du film) en appellent au gouvernement britannique pour forcer, si besoin est, les fournisseurs d'accès à Internet à «empêcher leur infrastructure d'être utilisée pour commettre des activités illégales de masse» .

Richard Curtis sur le tournage de Good Morning England - DR

Tout en restant outre-Manche, concluons sur une note plus drôle, tirée de l'hilarante sitcom The IT Crowd (dont deux des acteurs principaux jouent dans Good Morning England ). Ou comment ridiculiser par l'absurde les campagnes anti-piratage européennes. So british ...

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