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Libération

Google TV aux avant-postes

par Lorraine Millot
publié le 23 mars 2010 à 11h34

Après avoir conquis bureaux et téléphones portables, Google veut maintenant s'installer dans nos salons : le grand maître du moteur de recherche s'est associé à Sony et Intel pour proposer d'ici à quelques mois aux Etats-Unis des téléviseurs permettant de surfer sur Internet. Cela n'a rien de révolutionnaire en soi : différents types de décodeurs ou consoles de jeux permettent déjà d'accéder au Web depuis un téléviseur. Apple, le frère ennemi, propose aussi Apple TV, un boîtier qui va chercher musiques, photos ou vidéos sur le Web pour les diffuser sur le petit écran. Mais aucun de ces systèmes de télé-web n'a vraiment réussi à s'imposer jusqu'à présent… laissant penser à Google qu'il pourrait peut-être percer là aussi. «Avoir la suprématie pour les appareils du salon, c'est quelque chose comme le saint Graal pour les compagnies de technologie» , rappelle Ian Paul, journaliste pour PC World.

Les détails de Google TV sont secrets, les trois majors qui y travaillent, Google, Sony et Intel, n’ont pas voulu encore dévoiler le projet. Mais les dirigeants des trois compagnies ont fait comprendre que Google TV sera développé à partir d’Android, le système d’exploitation pour téléphones portables racheté par Google. Comme pour les téléphones Android (ou les iPhone d’Apple, le rival), Google compte s’appuyer sur la créativité des usagers, qui seront invités à développer des applications pour Google TV. D’ici à deux mois, un kit de développement devrait être mis à la disposition des développeurs, qui ont déjà conçu plus de 30 000 applications pour le téléphone Android, afin qu’ils créent maintenant la télé de demain. Google TV pourrait ensuite être lancé aux Etats-Unis dès l’été prochain.

Si Google reste fidèle à sa stratégie de «l'open-source» et permet à chacun d'installer Google TV dans son téléviseur, son décodeur, sa console de jeux ou son lecteur Blu-ray, ce sera «géant» , entrevoit déjà Amy Vernon, journaliste à NetworkWorld : «Google pourrait faire pour l'Internet télévisé ce qu'il a fait pour le marché des moteurs de recherche : le rendre suffisamment simple et ouvert pour que chacun puisse l'utiliser.» Si toutes les expériences précédentes de télé-internet sont restées réservées à quelques férus de high-tech, c'est aussi car le téléspectateur n'a généralement pas envie de branchements trop compliqués, rappelle Amy Vernon : «L'usager moyen a souvent du mal à imaginer comment régler l'horloge sur son lecteur DVD.» Google, génie de la simplicité, pourrait être celui qui réussira enfin la «démocratisation» de l'Internet télévisé, prédit cette experte.

Tout le génie de Google, et sa puissance sur le Web, ne garantissent pourtant pas son passage réussi au salon, mettent en garde d'autres analystes américains. «Cela peut être un développement judicieux pour Google, mais cela peut aussi lui faire mal» , souligne Steve McBrian, de Top TechReviews. «Le monde de la télévision est très différent» , poursuit-il, rappelant qu'Apple, qui n'est pas franchement un dilettante non plus, a connu le «fiasco» avec son Apple TV. L'Internet est «riche en textes» (sites d'informations, blogs, tchats ou réseaux sociaux…) qui se prêtent difficilement à la dégustation depuis un canapé dans le salon, à distance respectable du téléviseur, observe aussi Ian Paul, de PC World : «Est-il vraiment plausible de vouloir utiliser son téléviseur pour Twitter ou pour des chats en messagerie instantanée ? Il y a eu beaucoup d'expériences ratées qui cherchaient à mettre le Web sur les téléviseurs du salon et je pense que l'une des principales raisons de l'échec est qu'il y a quelque chose d'artificiel à vouloir surfer sur un écran qui se trouve à trois mètres de là où vous êtes assis.» Une solution pourrait être d'utiliser les téléphones portables (de type iPhone ou Android)… en «télécommandes visuelles» , suggère cet expert : allongé sur le sofa, il suffirait alors de pianoter sur son téléphone pour voir se dérouler en grand sur l'écran de télé les vidéos choisies… Même Google n'en est pas encore là : le géant de Mountain View travaille pour l'instant de concert avec Logitech, pour une télécommande comprenant un petit clavier. Après avoir introduit pas mal de possibilités de distractions au bureau, Google pourrait ainsi aussi amener le bureau dans nos salons…

Paru dans Libération du 22 mars 2010

De notre correspondante à Washington

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