Menu
Libération

«Google, c'est des méchants», signé Le Corbook

par Virginie Malbos
publié le 12 mai 2011 à 17h39
(mis à jour le 12 mai 2011 à 17h41)

Certes, la meilleure défense est l'attaque. Mais l'efficacité de l'opération devient toute relative quand on se fait prendre la main dans le sac, en pleine tentative de délation mensongère. En la matière, Facebook a subi aujourd'hui un sévère retour de karma, après avoir anonymement invité les médias à se déchaîner contre Google et son traitement de la vie privée. Coïncidence? Les manigances ont débuté la semaine dernière, alors que Symantec venait d'avertir la société de Mark Zuckerberg de son intention de révéler l'existence de nouvelles failles sur Facebook .

Un détournement d'attention qui, s'il avait réussi, se serait avéré bien pratique et tombant à point. Pour cela, les choses avaient été rigoureusement planifiées. Avec, à la manœuvre, une célèbre firme de relations publiques: Burson-Marsteller, engagée par un client qui souhaitait rester anonyme. L'opération se concentrait sur les médias et les blogueurs influents. Objectif: dénoncer Google Social Circle , service lancé discrètement sur Gmail qui permet sur sa messagerie d'avoir accès à des informations sur ses amis, et sur les amis de ses amis. Une sorte de Google News, reprenant toutes les données sociales éparpillées sur de multiples comptes.

«Une violation directe et flagrante de l'accord de Google avec la Federal Trade Commission» selon l'entreprise de relation publiques, qui rappelait l'accord effectué suite à Google Buzz, et argumentait: «le peuple américain doit être immédiatement mis au courant des intrusions dans sa vie profondément personnelle. Et du catalogage effectué par Google, qui les diffuse à chaque minute de chaque jour, sans sa permission.» Une opinion que la firme devait diffuser. Pour cela, elle s'est appuyé sur deux journalistes: Jim Goldman, signant des papiers high-tech pour CNBC et l'ancien chroniqueur politique John Mercurio qui ont cherché à faire circuler l'information.

Le premier a essayé de motiver USA Today et ses journalistes afin de relayer ces informations. Mais les critiques ont été jugées exagérées par la rédaction qui ne les a pas reprises. Le second n'a pas fait mieux. Le 3 mai, il a envoyé des mails au blogueur Christopher Soghoian , chercheur sur les questions de sécurité et de vie privée, afin de lui proposer un texte pouvant être repris en son nom. Tout en ajoutant pouvoir l'aider à faire publier celui-ci sur The Washington Post , Politico , The Hill , Roll Call et The Huffington Post . Une proposition qui n'a pas séduit le chercheur, et qui a engendré le début de la polémique. Car celui-ci a décidé -- après avoir demandé à l'ex-journaliste combien il avait été payé, et ne pas avoir obtenu de réponse -- de publier les mails reçus , révélant au grand jour la manœuvre en cours contre Google. L'expert s'est aussi justifié, expliquant qu'il ne considérait pas ce Google Social Circle comme étant potentiellement dangereux.

Manquait tout de même le coupable de cette campagne de dénigrement. Apple? Microsoft? ou Facebook? Ce sera le dernier, qui confronté à des preuves fournies par le journaliste Dan Lyons du Daily Beast , a fini par avouer, confirmant l'embauche de Burson-Marsteller. C'est le porte-parole de Facebook qui a amené la confirmation, expliquant cette manœuvre par deux raisons. «D'abord, parce que nous estimons que les interventions de Google dans les réseaux sociaux soulèvent des questions de vie privée. Et d'autre part, et c'est peut-être là le plus important, parce que Facebook observe des tentatives de la part de Google pour utiliser les données Facebook dans son propre service de réseau social.» Une double ironie. Car si Google a déjà eu des problèmes avec la vie privée, ne serait-ce qu'avec les Google cars ou Google Buzz , Facebook demeure souverain en la matière. Au point même qu'il oublie aussi, au passage, que les données que l'internaute partage sur son site ne sont pas celles de Facebook, mais bien les siennes.

Lire les réactions à cet article.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique