«Google ne paie presque pas d’impôts en France»

par Christophe Alix
publié le 10 novembre 2010 à 9h28

Taxe Google, le retour ? Philippe Marini (UMP), rapporteur général de la commission des finances du Sénat, remet au goût du jour l'idée de prélèvements sur les investissements publicitaires en ligne et les transactions électroniques entre professionnels. De quoi rapporter «quelques centaines de millions d'euros de recettes fiscales supplémentaires» .

Avec les amendements défendus dans le cadre du budget 2011, il s’agit, dites-vous, d’adapter la fiscalité française à l’économie immatérielle. Elle ne l’est pas aujourd’hui ?

Nous assistons depuis plusieurs années déjà à une hémorragie de recettes fiscales qui va s’amplifier si nous n’adaptons pas notre système. L’économie immatérielle représente une part croissante des transactions et des échanges. Si nous ne faisons rien, où en seront nos ressources fiscales dans quelques années ?

Que proposez-vous ?

De trouver des solutions afin de corriger les déséquilibres qu’entraîne la compétition fiscale entre les Etats dans une économie ouverte. Elle pousse les géants du Net tels que Google ou Apple à choisir comme base d’implantation européenne des pays à basse fiscalité, comme l’Irlande ou le Luxembourg, à partir desquels rayonner sur le reste du continent. C’est la raison pour laquelle Google ne paie pratiquement pas d’impôts en France, alors qu’il y concentre une part importante de la publicité en ligne. C’est aussi la raison pour laquelle la boutique iTunes d’Apple ne paie de TVA (à taux super réduit) qu’au Luxembourg, alors que la plupart des acheteurs sont ailleurs.

D’où l’idée de taxer à la fois la publicité et les achats en ligne ?

Ces prélèvements ne concerneront que les professionnels sous statut fiscal français. Ils se verront imposer à un taux très modéré, de 0,5 à 1%, sur leurs investissements publicitaires et leurs achats en ligne.

Bercy soutient que vos amendements ratent leur cible et ne toucheront pas Google et consorts…

Bercy commence à m’échauffer les oreilles ! Cela fait un an qu’on leur demande, le président de la République compris, des pistes pour pouvoir imposer Google sur les bénéfices qu’il réalise en France, et à chaque fois que l’on avance une proposition, elle est dénigrée. Dès lors que l’on ne peut presque pas imposer Google parce que la société est basée fiscalement en Irlande, il ne reste que les annonceurs pour toucher indirectement le moteur de recherche. Ne pas le faire, c’est laisser perdurer une distorsion de concurrence vis-à-vis des autres médias. Quant à la contribution prélevée sur les achats en ligne, elle revient à un léger complément de TVA qui vient corriger le fait que ces produits et services sont généralement bien meilleur marché parce que très peu taxés.

N’avez-vous pas peur de passer pour un ennemi d’Internet ?

C’est le piège dans lequel on va essayer de nous enfermer, mais il ne s’agit en rien de sanctions frappant qui que ce soit. Ce qui est en jeu, c’est la préservation parfaitement légitime de nos recettes en mettant fin à des phénomènes d’optimisation fiscale d’autant plus choquants en temps de crise et de disette budgétaire.

Paru dans Libération du 9 novembre 2010

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