Rapport Zelnik: Google prié de partager son magot

Le texte, présenté aujourd'hui, prône notamment l’instauration d’une taxe sur la publicité pour soutenir la filière musicale et l’édition en ligne
par Astrid GIRARDEAU
publié le 6 janvier 2010 à 22h54
(mis à jour le 7 janvier 2010 à 10h53)

«La taxe Google.» L'expression est pleinement assumée par l'ancien ministre de la Culture Jacques Toubon, et co-auteur du rapport Zelnik (pdf) . C'est ainsi qu'il qualifie la principale piste de financement, parmi les vingt-deux propositions remises hier au gouvernement afin d'améliorer l'offre légale des biens culturels sur Internet et la rémunération des créateurs. Il s'agit de taper Google afin de financer une série de mesures destinées à soutenir la filière musicale, qui se dit touchée par le téléchargement illégal, et l'édition en ligne.

L'idée est de taxer les recettes publicitaires sur Internet des sociétés établies en Europe. En clair, peu importe le pays d'établissement de l'opérateur (l'Irlande en l'occurrence pour Google), ce qui compte, c'est que l'internaute qui clique sur une bannière publicitaire ou un lien sponsorisé soit localisé en France. L'objectif affiché est, via un plancher de recettes, de toucher les plus gros, Google en premier, mais aussi MSN ou Yahoo, et ainsi, selon Jacques Toubon, mettre un terme à cet «enrichissement sans fin et sans contrepartie» . Guillaume Cerrutti, corapporteur, précise : «Le prélèvement sera fait chez l'opérateur qui aura obligation de déclarer ses revenus publicitaires […] et cela tombera directement dans le budget de l'Etat.» Deuxième offensive anti-Google : la mission Zelnik réclame de l'Union européenne une enquête sur la situation du marché publicitaire en ligne, trusté par le fameux moteur de recherches.

Attaqué frontalement, Google joue profil bas. Interrogé par Libération , Olivier Esper, responsable des relations institutionnelles de Google France, juge qu'Internet étant un «écosystème» , une telle mesure aurait une répercussion sur l'ensemble des acteurs français et européens. Esper invite le gouvernement à «privilégier la coopération» . Et à ne pas «prolonger une logique d'opposition entre les mondes de l'Internet et de la culture, par exemple via la logique de la taxation.»

Après Google, la mission Zelnik vise les fournisseurs d'accès Internet (FAI). Si le mot «taxe» n'est pas clairement écrit, cela y ressemble fort avec une révision du taux de TVA, qui devrait dégager «plusieurs dizaines de millions d'euros ». Selon les rapporteurs, les FAI devraient trouver une compensation via les mesures du rapport par exemple en faveur du développement des services musicaux en ligne. «Sous une forme ou une autre, c'est le client final qui va payer» , estime Yves Le Mouël, directeur général de la Fédération française des télécoms (Bouygues, SFR, France Télécom, etc.) qui se dit «bien sûr opposé [à la mesure, ndlr], d'autant que cela ne sert pas la cause défendue par les ayants droit et par nous-même »

Au total, ces deux pistes devraient, selon le rapport Zelnik, financer les propositions dont le coût est estimé à une cinquantaine de millions d'euros pour 2010, puis 35 à 40 millions par an. Le rapport vise en effet à établir un plan sur trois ans, principalement pour relancer le secteur de la musique sur Internet, qui selon Guillaume Cerrutti, a «pris un mauvais départ» , et aujourd'hui est «dans la situation la plus dramatique» . Parmi les idées principales, un renforcement du crédit d'impôt pour la production d'œuvres phonographiques et des moyens de l'IFCIC (Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles). Ainsi que la création d'une carte «Musique en ligne» à 50 euros dont 20 seraient financés par l'Etat. Pour le livre, Zelnik suggère la création d'une plateforme commune à tous les éditeurs de même que l'application du prix unique à la vente en ligne. Le jeu vidéo lui est oublié du rapport, tandis que le cas de la presse sera examiné dans le cadre d'une autre mission.

Les représentants de la création semblaient dans l'ensemble s'en contenter. «La réponse au piratage est dans l'offre» , nous a indiqué Pascal Rogard, président de la SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques), qui se dit satisfait : «Ça va être enfin l'année des auteurs, pas celle des intermédiaires.»

Reste à savoir ce que le gouvernement va retenir de ce rapport, qualifié hier par le ministre de la Culture et de la Communication Frédéric Mitterrand avec la retenue qu'on lui connaît, de «remarquable» , «approfondi » , «séduisant» , «inventif» , «pragmatique» et apportant une «approche panoramique et anticipative» . C'est Nicolas Sarkozy, instigateur de la loi Hadopi qui tranchera : ça tombe bien, demain le président de la République présente ses vœux aux «acteurs de la vie culturelle» et dira ce qu'il compte faire du rapport de la commission Zelnik.

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