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Libération

Grosse récolte pour Apple

par Catherine Maussion
publié le 12 août 2011 à 12h03
(mis à jour le 12 août 2011 à 12h18)

La firme américaine connaît un succès planétaire. Explications en sept chiffres capitaux.

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milliards de dollars (245 milliards d'euros). Plus qu'Exxon Mobil. C'est ce qu'a valu Apple, un court instant mardi à Wall Street , devenant ainsi la première capitalisation mondiale devant le roi du pétrole. Le krach de 2008, la déculottée des Bourses de cet été, connaît pas. Apple pèse presque cinq fois plus aujourd'hui qu'il y a cinq ans. Introduite en bourse le 12 décembre 1980, à 22 dollars, l'action en valait 373 hier. A titre de comparaison, Total, la plus grosse capitalisation française, émarge à 78 milliards d'euros. Si Apple était un Etat, ce serait le 26e pays le plus riche du monde (sur 181). Au coude à coude avec l'Autriche, l'Argentine ou l'Afrique du Sud. Pour le plus grand bonheur de ses dirigeants-salariés, heureux détenteurs de stock-options, à commencer par Steve Jobs. Le capital d'Apple est détenu à 71 % par des fonds d'investissements. Le reste est entre les mains de petits porteurs, mais surtout entre celles d'une brochette de milliardaires, patrons de hedge fund. Dont Georges Soros ou encore Ken Griffin, le fondateur du hegde fund Citadel et 488e fortune du monde, et qui raflé 2,5 millions d'actions Apple au dernier trimestre…

28,6

milliards de dollars (20 milliards d'euros), c'est le chiffre d'affaires du dernier trimestre (avril à juin) publié par Apple. La trajectoire pour 2011 est un gros cran au-dessus de celle de 2010 (65,23 milliards de dollars sur l'année). Tandis qu'Apple monte au ciel, l'ex-géant Nokia (41 milliards d'euros en 2010), lui, poursuit sa descente aux enfers. Pied de nez au groupe finlandais, l'Asie (et les pays émergents), longtemps pré carré de Nokia, devient aujourd'hui la terre à défricher pour Apple.

En ligne de mire, tout particulièrement : l'eldorado chinois. Les Asiatiques se ruent depuis quelques mois sur la marque à la pomme. Les ventes en Chine continentale, Taïwan et Hongkong ont été multipliées par six en un an. Le chiffre d'affaires a explosé à 8,8 milliards de dollars sur les neuf premiers mois de l'année. Et ce n'est pas fini : la Chine est «une opportunité considérable pour Apple, et nous avons tout juste commencé à gratter» , a lâché tout récemment Tim Cook, le directeur des opérations d'Apple.

7,31

milliards d'euros de bénéfice net pour le troisième trimestre, clos fin juin. Au rythme auquel Apple engrange ses profits, la firme pourrait venir aisément au secours de la Grèce ! Le roi du smartphone a proclamé ainsi, le 20 juillet, un bénéfice en progression de 125% par rapport au même trimestre de 2010. Cela hisserait sur un an la performance de la firme de Cupertino, à plus de 28 milliards de dollars (20 milliards d'euros). Soit pas très loin de ce qui est exigé des Grecs en termes de sacrifices : ils sont censés réduire leur dette publique de 26 milliards d'euros d'ici 2014. Apple va si bien que les analystes, pourtant fins stratèges, sont régulièrement roulés dans la farine, à chaque fois que la firme dévoile des résultats. Ainsi les experts de Thomson Reuters avaient sous-estimé la prouesse du dernier trimestre de 33%. C'est d'ailleurs un trait de caractère d'Apple de jouer constamment les modestes dans ses propres prévisions.

49 400

salariés… Mais comment fait donc Apple pour employer si peu de monde ? Exemple, Nokia, détrôné par Apple en juin de sa place de premier vendeur de smartphones, employait 132 427 personnes en 2010, à comparer aux 49 400 salariés d'Apple. La firme de Steve Jobs n'a pas d'usines. Elle a choisi de recourir, pour l'essentiel de son catalogue, à des sous-traitants. Elle a surtout défrayé la chronique, en faisant appel aux usines chinoises du taïwanais Foxconn. Travail des enfants, cadences infernales, intoxications par des produits chimiques, et suicides… Le scandale révélé en janvier fut tel qu'Apple s'est fendu d'un rapport après avoir découverts 91 enfants travaillant sur les chaînes de ses sous-traitants, ou encore 137 ouvriers exposés à des produits chimiques. Tout récemment, Foxconn, qui assemble aussi des produits de Sony, HP ou Dell… a annoncé qu'il comptait s'équiper d'un million de robots d'ici à trois ans pour remplacer des salariés, selon l'agence chinoise Xinhua, qui cite Terry Gou, fondateur et président de Foxconn. Apple ou l'entreprise désincarnée…

20 %

des smartphones seront bientôt des iPhones. Au second trimestre, selon l'institut IDC, Apple avait déjà raflé 18% du marché mondial de ces téléphones à écran tactile, contre 13% un an plus tôt. L'iPhone est le best-seller de la firme à la pomme, tant en volume (20 millions d'exemplaires vendus entre avril et juin) qu'en chiffre d'affaires. Et ce en dépit de son prix élevé. L'iPhone 4 (16 Go) est proposé, sans subvention, au prix moyen de 625 dollars (440 euros), contre 147 euros en moyenne pour les smartphones Nokia… Et voilà qu'à leur tour, les ventes d'iPad, la tablette d'Apple, s'emballent. Il s'en est écoulé 9,2 millions de modèles au dernier trimestre. Au point que l'iPad, seize mois après son lancement aux Etats-Unis, représente déjà 21% des revenus d'Apple. Et la firme repart à l'offensive dès cet automne avec, entre autres, le dernier rejeton de la lignée des smartphones : l'iPhone 5.

76

milliards de dollars, c'est le tas d'or sur lequel est assis Apple. Un bas de laine plus gros que le Trésor américain (74 milliards). Et qu'il défend âprement. Culte du secret, siège protégé comme une forteresse, protection tous azimuts de ses brevets… Apple sait défendre sa citadelle. Après Nokia, et HTC l'an dernier, voici venu le tour de Samsung. Apple s'attaque au sud-coréen, qu'il accuse de copiage. Et il vient de marquer un point. Mardi, le tribunal de grande instance de Düsseldorf (Allemagne) a interdit, en référé , la vente de la Galaxy Tab 10.1, la tablette phare de Samsung dans toute l'Europe. Les deux groupes s'accusent mutuellement, depuis avril, de se voler les brevets . Avant-hier, Samsung a décidé de faire appel. L'an dernier, Apple avait poursuivi le taïwanais HTC pour violation de 20 brevets liés à l'iPhone. Tout y était passé : l'interface, l'architecture interne… En réalité, Apple cherche à se protéger d'Android, le système d'exploitation de Google, grand rival de l'iPhone et qui approche les 50% de parts de marché, contre 19% pour l'iPhone.

56

ans, c'est l'âge de l'inventeur du Mac, de l'iPod, d'iTunes, de l'iPhone, etc., à qui on prête cette formule : «Je patine à l'endroit où le palet va être, non où il a été» , reprise d'une citation d'un célèbre hockeyeur. De Steven Paul Jobs, né le 24 février 1955 dans la Silicon Valley, enfant adopté, on connaît la légende : la fabrication d'un premier ordinateur dans le garage des parents, la fondation à 21 ans, avec son compère Steve Wozniak (26 ans), de la firme Apple. La pomme pour emblème ? Ce serait un choix de végétarien… Viré de sa propre société en 1985 - on dit depuis «to be Steved» -, il y revient douze ans plus tard comme le sauveur. On le dit agressif. Le magazine Fortune, qui l'a consacré fin 2009 «PDG de la décennie» , le considère comme le plus gros égotiste de la Silicon Valley. En septembre 2009, il confie à ses fans sa greffe du foie. Et fait depuis des allers-retours en congés maladie , posant la question de l'avenir de la firme sans son génial leader.

Paru dans Libération le jeudi 11 août.

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