Hadopi 2 votée à bas débit

Les députés ont adopté à une courte majorité le volet sanctions de la loi Création et Internet. Au menu, suspension et prison…
par Astrid GIRARDEAU
publié le 15 septembre 2009 à 19h11
(mis à jour le 22 septembre 2009 à 10h25)

Le scénario était connu . Un hémicycle plein, de rapides explications de vote, un clic sur le boîtier électronique. Et, hier, Hadopi 2, le volet sanctions de la loi Création et Internet, était adoptée par l'Assemblée nationale. La courte majorité était, elle, moins attendue : 285 pour, 225 contre, 17 abstentions et 30 députés UMP qui ont «oublié» de voter. Surtout avec la pression élyséenne pesant sur le texte. «Hadopi 2 a été votée petitement , commente le député socialiste Patrick Bloche, «le député UMP de base ne veut plus entendre parler d'Hadopi» .

Jungle contre jungle

Lors de l'explication de vote de chaque groupe politique, c'est jungle contre jungle. «Internet ne peut pas être la loi de la jungle» , côté Philippe Gosselin (UMP), contre «la loi de la jungle» qui, sans nouveau modèle de régulation, «permet aux plus puissants de négocier dans leur coin des licences privées» , côté Patrick Bloche. Le député communiste Jean-Pierre Brard déplore, lui, une loi «inutile» et «inapplicable». Avant de conclure : «Le combat continue ! Avec les jeunes, nous allons chanter le requiem de votre loi.»

Le vote est plié en quelques secondes. Sans grande réaction. Sinon celle du ministre de la Culture Frédéric Mitterrand qui, après avoir salué un «débat instructif, passionnant et parfois poétiquement décalé» , déclare : «Les artistes se souviendront que nous avons eu le courage de rompre enfin avec le laisser-faire et de protéger leurs droits face à ceux qui veulent faire du Net le terrain de leur utopie libertarienne.» A la sortie, l'UMP Jean-François Copé s'esquive : «Je suis très heureux du vote.» Heureux aussi, Brard : «Le vote est meilleur qu'on espérait.» Aux pro-Hadopi, «gens du passé» , il balance : «On n'arrête par la mer avec les mains.»

«On n’arrête par la mer avec les mains»

Si le texte est appliqué, le procureur pourra choisir entre le tribunal correctionnel et l’ordonnance pénale, une procédure simplifiée, devant un juge unique, sans audience, ni débat contradictoire. L’internaute accusé de contrefaçon pourra écoper d’une peine de trois ans de prison, de 300 000 euros d’amende et d’un an de suspension de son accès au Web. L’ayant droit pourra, en plus, demander le paiement de dommages et intérêts pour préjudice. Et l’internaute pourra récolter une contravention de 1 500 euros et un mois de suspension pour «négligence caractérisée» s’il n’a pas installé le logiciel de sécurisation (dont les spécifications sont à ce jour inconnues, sinon qu’il sera payant) comme lui a demandé l’Hadopi après avoir constaté le piratage de sa connexion.

Et maintenant ? Le texte voté hier étant différent de celui adopté par le Sénat, une commission mixte paritaire va se réunir aujourd’hui pour aboutir à un texte de compromis, présenté, pour un ultime vote, aux deux Chambres le 22 septembre. Y planera l’ombre du Conseil constitutionnel. En effet, les socialistes ont annoncé qu’ils déposeront un recours. Les sages auront alors un mois pour rendre leur décision. Deux ans après la signature des accords Olivennes à l’origine de la loi, on devrait alors assister à l’ultime épisode de la saga.

Paru dans Libération le 16/09/2009

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