Hadopi : Pirouette, Cacahuète,... et amende

par Astrid GIRARDEAU
publié le 24 juin 2009 à 11h30
(mis à jour le 24 juin 2009 à 11h40)

A la recherche d'une issue de sortie à la loi Création et Internet, le gouvernement pourrait finalement se rabattre sur l'amende. Oui, celle-là même que la ministre de la culture Christine Albanel, a vivement combattu lors des débats à l'Assemblée nationale.

La semaine dernière, le ministère nous indiquait vouloir revenir au délit de contrefaçon. En ajoutant simplement, une troisième peine, la coupure de l'accès à Internet, à celles déjà prévues par le code pénal (3 ans de prison et de 300000 euros d'amende). Finalement, il aurait décidé d'ajouter une deuxième cartouche à l'arsenal répressif de la loi, indique ce matin la Tribune . Selon le quotidien, le texte soumis vendredi dernier au Conseil d'Etat comporte un projet de décret qui permettrait d'infliger aux internautes une amende de 5e catégorie (1500 euros, et 3000 euros en cas de récidive). Non pour téléchargement de fichiers protégés par le droit d'auteur, mais pour non-sécurisation de son accès Internet.

A peine écartée, la fameuse surveillance de la connexion reviendrait donc par la grande porte. Selon la Tribune , l'amende serait adressée, après un message d'avertissement envoyé par l'Hadopi, au titulaire d'une connexion pour avoir «laissé par négligence, au moyen de son accès à Internet, un tiers commettre une contrefaçon» . Sur le modèle des infractions au code de la route, un tel système a l'avantage d'être immédiatement applicable et de traiter les infractions en gros volume sur simple «présomption de culpabilité» . Ca sera à l'internaute d'apporter la preuve qu'il n'a pas commis de contrefaçon.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 10 juin, a estimé que «le législateur ne saurait instituer de présomption de culpabilité en matière répressive» . Mais il a ajouté que, «toutefois, à titre exceptionnel, de telles présomptions peuvent être établies, notamment en matière contraventionnelle» . C'est-à-dire pour les amendes. A cela, il a ajouté trois conditions : «dès lors qu'elles ne revêtent pas de caractère irréfragable, qu'est assuré le respect des droits de la défense et que les faits induisent raisonnablement la vraisemblance de l'imputabilité» .

On aurait donc un système à double tir : un délit de négligence sanctionné par une amende 1500 euros, et un délit pour contrefaçon qui prévoit 3 ans de prison, 300000 euros d’amende et la coupure de l'accès Internet.

Ce système pourrait-il être accepté par les Sages ? Il reste de trop nombreuses zones d'ombre pour le dire. Par exemple quel sera finalement le type de procédure ? (ordonnance pénale?) Sur quelles bases le juge décidera d'accuser un internaute de l'un ou l'autre délit. Et sur quelle base sera décidée la coupure de l'accès Internet. Sur le volume de fichiers illicites identifiés après enquête ? Dans son article, Jamal Henni parle d'amende pour «piratage présumé» , et de coupure de l'accès Internet en cas de «piratage avéré» . Avéré pour avoué ? La phrase, de source gouvernementale, «l'internaute sera incité à avouer et transiger» prendrait alors tout son sens.

S'il salue le rétablissement de l'autorité judiciaire, Jérémie Zimmermann, porte-parole de la Quadrature du Net, déplore que «cela ne change rien au fait que les accusations vont être basées sur des preuves sans valeur (adresse IP, etc.), et que des innocents seront accusés» .

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