Hadopi et le doute s’installent

Lancée vendredi, l’Autorité ne sera opérationnelle que dans six mois.
par Astrid GIRARDEAU
publié le 11 janvier 2010 à 14h16

«La fameuse Hadopi a enfin un visage» , s'est réjoui Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication, en introduction, vendredi, de l'installation de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet. Soit l'autorité indépendante qui sera chargée de la mise en œuvre de la loi Création et Internet. Un moment jugé «solennel» par le ministre qui, entouré des membres du collège et de la commission de protection des droits qui composent l'Hadopi, a présenté sa présidente et conseiller à la Cour de cassation, Marie-Françoise Marais. La suite a été beaucoup moins limpide. Et vite révélé que les problèmes posés lors des débats autour de la loi Création et Internet n'étaient pas résolus.

Pour pouvoir appliquer la loi, encore faut-il que tous les décrets d'application aient été publiés. Ce sera fait «incessamment sous peu» , selon le ministre. «Au cours des six premiers mois de l'année» , indiquait récemment le ministère à Libération. Ensuite, le gouvernement devra passer sous les fourches caudines de la Commission européenne, ce qui rajoute un délai de deux mois. Sur l'envoi des premiers mails d'avertissement, le ministre a posé deux «options» : «Basse, c'est avril ; haute, c'est juillet.» On misera sur la seconde. D'autant que reste aussi la question des coûts, estimés entre 70 et 100 millions d'euros pour l'ensemble des fournisseurs d'accès à Internet (FAI). «Les FAI s'étaient engagés à les prendre en charge, et ils les prendront en charge», a indiqué le cabinet du ministre. «Les FAI ne se sont jamais engagés à payer quoi que ce soit» , a réagi Yves Le Mouël, directeur général de la Fédération française des télécoms, contacté par Libération.

Autre problème : comment suspendre Internet seul, sans couper aussi le téléphone et la télé quand le contrevenant est abonné à une offre triple-play (Internet, TV, téléphonie) ? Frédéric Mitterrand a expliqué qu'un «texte est en préparation pour essayer de trouver la solution idéale» . Avant de lâcher : «Je ne sais pas encore si on y arrive techniquement.» Même incertitude technique quant au fameux logiciel de sécurisation que l'Hadopi invitera l'internaute à installer dans ses mails d'avertissement préalables à la coupure. Faute de quoi, il pourra être accusé de «négligence caractérisée» de la connexion internet.

Et quid des différentes techniques que combattra l'Hadopi (P2P, streaming, direct-download) ? «La Haute Autorité va s'occuper de tout , a indiqué le ministre. Elle en a toutes les compétences et l'autorité nécessaires pour le faire.» Reste à savoir comment - notamment sur la question du filtrage, à propos duquel le président de la République a clairement demandé, jeudi, qu'il soit expérimenté «sans délai» .

Le ministre a résumé l'action de l'Hadopi à trois principes : la prospective, la pédagogie et la sanction. «Il ne s'agit pas, contrairement à ce que certains voudraient faire croire, de mettre en place un aréopage de pères Fouettard» , a-t-il souligné. Car dit-il, les contrevenants auront «le temps de prendre toutes les dispositions nécessaires pour éviter le pire». Avant d'ajouter : «Enfin, le pire, il ne s'agit à vrai dire, pour l'essentiel, que d'une suspension de leur accès internet. Il n'y a pas là vraiment de quoi faire le plus grand drame.» Pas grave d'être privé de connexion ? Pourtant en juin, le Conseil constitutionnel qualifiait Internet de «composante de la liberté d'expression et de communication» .

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