Hadopi, et maintenant ?

Le peaufinage de la loi Création et Internet est maintenant entre les mains de la Commission Mixte Paritaire. Peu de surprises sont attendues.
par Astrid GIRARDEAU
publié le 6 avril 2009 à 17h40
(mis à jour le 7 avril 2009 à 15h08)

Le projet de loi Création et Internet ayant été adopté jeudi dernier en urgence, il doit maintenant passer entre les mains de Commission Mixte Paritaire (CMP). Sans passer par la case «vote solennel», comme l'a dénoncé le député UMP Lionel Tardy . Tout le monde s'accorde à dire que le texte qui sortira de la CMP ce jeudi ne devrait pas comporter beaucoup de surprises.

La CMP est chargée de trouver un compromis entre les versions du texte votées au Sénat (où, pour rappel il a été voté à l'unanimité) et à l'Assemblée Nationale. C'est-à-dire qu'elle doit trancher sur tous les points adoptés différemment par les deux assemblées. Elle se réunira demain au Sénat. Pour une ratification jeudi matin au Sénat, et jeudi après-midi à l'Assemblée nationale. Le vote est bloqué (ou unique) : seul le gouvernement peut proposer des amendements. Le texte sera ensuite présenté, en séance publique, le jeudi 9 avril.

Au sein de chaque assemblée, sept titulaires et sept suppléants sont désignés. Ceux choisis ici soutiennent en très majorité la loi Création et Internet, et son système de riposte graduée (1). Parmi eux, sélectionnés d'office, les rapporteurs : Franck Riester, Muriel Marland-Militello, Jean-Luc Warsmann et Bernard Gérard. Une liste «verrouillée» nous commentait la semaine dernière un collaborateur à l'Assemblée nationale. Qui résumait ainsi l"issue de la CMP : «On va avoir une texte proche de celui du Sénat, voire pire car on va garder le pire des deux textes» .

Les principaux points divergents entre les deux assemblées sont :

_ - La réduction des débits comme sanction . Elle a été supprimée par l'Assemblée Nationale.

_ - Suspension du paiement d'Internet en cas de coupure de la connexion . Cela oblige les fournisseurs d'accès Internet à détailler la facturation de leur offre triple-play.

_ - Le délai du recours devant le juge est passé de sept à trente jours après notification, au présumé coupable, de la sanction.

_ - la Labellisation des offres légales et sur-référencement par les moteurs de recherches . Fruit du rapporteur, Franck Riester (qui oralement s'est éloigné du texte), cette mesure a rencontré une forte opposition au nom de la «distorsion de la concurrence» et d' «atteinte à la neutralité du net» .

_ - Le président de la Haute autorité indépendante est nommé par décret , a proposé Franck Riester ( amendement 38 ) alors que le texte voté par le Sénat prévoit qu'il soit élu.

_ - La chronologie des médias coulissante . Le texte voté par l'Assemblée propose de fixer à quatre mois l'exploitation d'un film en DVD après sa sortie en salles. Avec la possibilité de le ramener à trois mois ou le porter à six mois après avis du CNC ou du médiateur du cinéma. Pour la VOD, les mêmes délais seront définis par décret «à défaut d'accord professionnel dans un délai d'un mois» .

_ - La captation totale ou partielle en salles de cinéma est considérée comme un délit de contrefaçon selon un nouvel amendement (169).

On citera également le texte visant à ne pas protéger les ayants droit exilés fiscaux . Si l'amendement a fait sourire, il est difficilement applicable car il exige que tous les ayants droit d'une œuvre résident dans un paradis fiscal. Il en va de même pour celui déposé pour l'amnistie des internautes poursuivis sur des faits remontant à plus de 6 mois . Outre le fait qu'il a des chances d'être supprimé par la CMP, il est en réalité peu applicable, comme l'a démontré PC Inpact , car il concerne uniquement la contrefaçon sur les droits voisins, pas ceux sur les droits d'auteur.

La CMP va donc présenter le texte ce jeudi 9 avril. Les députés qui souhaitent alors saisir le Conseil Constitutionnel -- ce qu'envisage le groupe Socialiste--, doivent le faire dans les sept jours. Logiquement le 16, mais les vacances parlementaires commençant le 11, la saisine va devoir être rédigée et envoyée d'urgence, probablement le 10.

1. Pour l'Assemblée, les membres titulaires sont : Jean-Luc Warsmann, Franck Riester, Muriel Marland-Militello, Bernard Gérard, Patrick Bloche, Corinne Erhel, Christian Paul. Et les membres suppléants : Christian Kert, Philippe Gosselin, Frédéric Lefebvre, Jean-Louis Gagnaire, Didier Mathus, et Jean Dionis du Séjour.

_ Pour le Sénat, les membres titulaires sont : Jacques Legendre; Michel Thiollière, Catherine Morin-Desailly, Colette Mélot, Serge Lagauche, Claude Domeizel et Françoise Laborde comme membres titulaires, Et les membres suppléants : Yannick Bodin, Yves Dauge, Sophie Joissains, Jean-Pierre Leleux, Lucienne Malovry, Ivan Renar et Bruno Retailleau.

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