Hadopi : le conseil constit' a encore frappé

par Camille Gévaudan
publié le 13 mai 2011 à 18h03

Hadopi est un succès, nous dit-on. Selon l'étude publiée lundi par la Haute autorité, un internaute sur deux «adhère à sa mise en place» , la moitié des avertis arrête de télécharger, 50% du web français se tourne vers les solutions légales et, donc, le ministre de la Culture trouve les chiffres «très positifs» . Formidable ! Mais pendant ce temps, les tractations légales qui font évoluer les missions de l'Autorité ne sont toujours pas au goût du Conseil constitutionnel. Et aucun chiffre, tout positif qu'il soit, n'est en mesure de rattraper l'image désastreuse que véhicule une deuxième censure des sages.

La décision n°2011-629 , rendue hier, retoque un alinéa très controversé du code de la propriété intellectuelle, récemment inséré dans le chapitre sur les missions de l'Hadopi. L'alinéa (que nous avons reconstitué selon les différents articles auxquels il faisait référence) stipulait que :

«L'Hadopi peut engager toute action de sensibilisation des consommateurs et des acteurs économiques dans le développement de l’offre légale, dans la labellisation, dans le portail de référencement des offres licites, mais aussi dans les expérimentations de reconnaissance des contenus et de filtrage.

Elle peut apporter son soutien à des projets innovants de recherche et d’expérimentation, conduits par des personnes publiques ou privées et dont la réalisation concourt à la mise en œuvre de la mission qui lui a été assignée -- l'encouragement au développement de l'offre légale et à l'observation de l'utilisation licite et illicite des œuvres.»

Le deuxième paragraphe prévoyait donc que l'Hadopi et ses 12 millions d'euros de budget puissent subventionner n'importe quel acteur public ou privé pour encourager le développement légal ou étudier les usages de téléchargement. Comme le résume bien Numerama , «il s'agit aussi bien de financer la création ou la maintenance de plateformes de musique en ligne ou de VOD, que de financer des études de marché et autres sondages commandés par des lobbys de l'industrie culturelle.» Aucune précision n'était apportée sur les critères et modalités d'octroi des dites subventions.

L'amendement a été adopté mardi 1er février, à minuit passé et en seconde lecture, dans des dispositions différentes de la première lecture.

L'idée a évidemment plu à Pascal Nègre, PDG d'Universal Music ( «cela m' a l'air plutot positif et consensuel pour une fois :)» , commentait-il sur Twitter ). Elle est moins bien passée chez les socialistes : le député Alain Vidalies a prévenu que son groupe comptait saisir le Conseil constitutionnel car l'amendement voté n'avait rien à voir avec l'objet de la loi examinée. Le rapporteur de la Commission des lois s'est rangé à son avis quelques semaines plus tard, jugeant que l'amendement «met en place un dispositif nouveau qui ne paraît pas bien connecté au texte que nous avons examiné en première lecture» . Son rapport note que «l'Assemblée nationale l'a cependant voté nonobstant les observations émises par le rapporteur.»

Les sages ont confirmé hier l'inconstitutionnalité de la procédure, sans se pencher sur le fond de la question (qui pourra refaire surface à l'Assemblée nationale si les formes sont mises). Ils ont considéré que «l'adjonction n'était pas en relation directe avec une disposition restant en discussion» , et qu'elle ne pouvait donc pas être dispensée de la première lecture parlementaire. «Il s'ensuit que le 5° de l'article 65 de la loi déférée a été adopté selon une procédure contraire à la Constitution» .

C'est le deuxième avertissement adressé aux bâtisseurs d'Hadopi. À la prochaine récidive, on coupe ?

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