Hadopi n'est pas à l'amende

par Astrid GIRARDEAU
publié le 2 avril 2009 à 9h09

Amende ou coupure ? La question se pose depuis que les députés Patrice Martin-Lalande (UMP) et Jean Dionis du Séjour (Nouveau Centre) déposaient , il y a une semaine, cinq amendements visant à remplacer, sous certains conditions, la suspension de l'accès à Internet par une amende. Vraie alternative ou façon de permettre au gouvernement de se sortir de l'impasse de la coupure ? On pouvait se le demander au vu des commentaires divergents . Parallèlement d'autres amendements, comme le 122 , visaient un rejet pur et simple de la suspension. Le sujet a été au cœur des débats de cette deuxième séance d'examen du projet de loi Création et Internet à l'Assemblée Nationale, pour aboutir au rejet de l'amende.

Sur les bancs de l'assemblée, trois groupes se sont affrontés : une partie des députés UMP, dans la ligne du gouvernement, pour la riposte graduée et la coupure d'accès, l'autre partie des députés UMP et les centristes pour la riposte mais avec amende, et l'opposition, hostile à l'ensemble du système de.

«Et s'ils avaient raison tout les pays qui ont renoncé à couper l'accès Internet ?» Jean Dionis du Séjour a défendu son projet en expliquant que s'il est pour la riposte graduée au moins à court terme, «peut-être que dans le long terme, on arrivera à un système de Contribution Créative» . En attendant, selon lui, la coupure est un mauvais choix, car cher, dangereux, pas applicable avant 2011, et contraire aux droits de l'homme (avec une liste noire d'internautes). Il rappelé également que lors des accords de l'Elysée, les consommateurs n'étaient pas là, et que «c'est donc au Parlement de défendre l'intérêt général» . Et cité le rapport de la Fédération Française des Télécoms qui, en février dernier, repoussait l'idée de suspension. De son côté, Patrice Martin-Lalande a rappelé que le droit d'accès à Internet était mentionné dans le plan numérique 2012 et le vote massif, hier, du Parlement Européen du rapport Lambrinidis.

Franck Riester en a profité pour relativiser une nouvelle fois ce rapport «sans portée juridique» , et rappelé que le texte français «n'empêche pas l'internaute d'aller sur Internet ; simplement de le faire à partir du poste qui a servi à une série de téléchargements illégaux» , et qu'il peut toujours y accéder «sur d'autres points d'accès : dans une mairie, chez son voisin, dans sa famille.» . Pour le rapporteur, comme pour la ministre, proposer une amende à 38 euros, «c'est un permis de télécharger illégalement» . Par contre, une amende à 150 ou 300 euros serait «très injuste entre le pirate qui a beaucoup de moyens et pour qui l'amende sera indolore et l'étudiant qui télécharge trop mais qui n'a pas de moyen» , a expliqué Christine Albanel. Le député Marc Le Fur propose alors de modifier son sous-amendement (507), et passer d'une amende de 1ère classe à une amende de 2nde classe. Soit de 70 euros. «En catégorie 2, l'amende atteint 70 euros, soit l'équivalent de cinq CD ; pour celui qui pratique le téléchargement avec obstination, c'est un véritable droit à pirater !» a répondu la ministre.

Pour répondre aux questions techniques posées par certains députés, le rapporteur a ensuite expliqué «qu'en signant les accords de l'Elysée, les FAI savaient qu'il figurerait un dispositif qui comporterait, dans la partie sanctions, une suspension de l'abonnement. Ils ont donc signé ces accords en toute connaissance de cause. (...) Ils savaient qu'il y aurait des coûts. Et les FAi vont faire des économies de bande passante, ils vont réduire le débit des bandes passantes et faire des économies. En Commission des lois, ils nous ont dit que c'était techniquement faisables, et qu'ils respecteraient leurs signatures» . Il a poursuivi : pour les zones non dégroupées, c'est effectivement plus difficile. Mais il faudra un peu de temps avant que la suspension soit applicable (premier mail d'avertissement, éventuellement un deuxième, et une lettre recommandée), cela laissera le temps aux fournisseurs d'accès Internet de mettre en place le système permettant la suspension de l'accès Internet. (...) Et en ce qui concerne le triple play, les fournisseurs d'accès Internet ont très clairement dit aussi qu'ils pourraient suspendre la partie Internet sans couper le téléphone et la télévision.

Pour Patrick Bloche, par ces propositions, «Patrice Martin-Lalande, comme Lionel Tardy ou Jean Dionis du Séjour, essaie de sauver la majorité du mauvais pas dans lequel elle s'est mise.» De son côté, Christian Paul a indiqué refuser tout tentative qui conduirait à mettre en place d'autres types de sanction : «nous voulons trouver une rémunération nouvelle, pas mettre en place un système repressif.» Le groupe socialiste a annoncé qu'il ne prendrait pas part au vote. «Nous sommes en désaccord avec la manière dont la sanction est conçue» , a précisé de son côté, la député Martine Billard, car en l'état il est impossible d'accuser une adresse IP, et que la justice ne soit pas saisie dans la procédure. Le groupe GDR (Gauche démocrate et républicaine) a choisi également de ne pas prendre part au vote.

Tous les amendements et sous-amendements présentés, et visant à remplacer de façon définitive ou sous conditions, la suspension de l'abonnement ont été rejetés. A l'exception du 474 qui n'a pas encore été examiné. Mais vu le sort des autres, il y a peu de suspense.

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