Hadopi se déplie

par Erwan Cario
publié le 20 août 2010 à 15h10

C'était prévu, la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet devait lancer à la rentrée une campagne de communication pour expliquer son principe de fonctionnement «subtil» aux français qui auraient suivi tout ça de loin. La première étape a été dévoilée aujourd'hui : il s'agit de la distribution aux péages d'autoroute de 260000 dépliants durant les deux derniers week-end d'août. Ceux qui n'ont pas la nausée en lisant en voiture pourront donc en savoir plus et comprendre les rouages du dispositif. Enfin, comprendre est peut-être un grand mot.

Par exemple, on a beau relire à voix haute «La sécurisation de la connexion à internet a pour but d'éviter les utilisations non autorisées d'œuvres protégées par un droit d'auteur» , première phrase du paragraphe titré «Pourquoi?» , on a un peu de mal à comprendre le rapport de causalité. On reconnait, la tâche n'est pas simple pour l'Hadopi. Avant même d'avoir à disséquer pour le citoyen lambda le mécanisme un peu tordu -- Mireille Imbert-Quaretta, présidente de la commission de protection des droits l'admet elle-même à mots couverts -- de la riposte graduée, il faut que celui-ci comprenne bien que la sanction éventuelle concerne le défaut de sécurisation de sa connexion Internet (ou le «défaut de diligence dans le maintien opérationnel du dispositif de sécurisation» , pour être précis) et non un éventuel téléchargement. Mais quand même, «la sécurisation de la connexion à internet a pour but d'éviter les utilisations non autorisées d'œuvres protégées par un droit d'auteur» , il doit manquer des mots, non ?

Le cœur de l'ouvrage concerne bien sûr la procédure de riposte graduée elle-même, déclenchée après la constatation par ayants droit du téléchargement d'une œuvre protégé. Là encore, on sent une réelle volonté pédagogique :

Mais le schéma en lui-même explicite bien l'aspect kafkaïen de l'ensemble. En caricaturant un poil, voici le processus auquel sont habitués les citoyens :

On a quand même le plaisir de retrouver notre leitmotiv préféré au détour de l'avant-dernière étape : «Décision de l'Hadopi de transmettre ou de ne pas transmettre le dossier de l'abonné au Parquet» . Oui, Hadopi peut, mais peut ne pas , que ça se sache. La Haute autorité précise quand même, un peu laconique : «L'abonné peut faire valoir ses observations à l'Hadopi à chaque étape de la procédure de réponse graduée» . Elle aurait pu le rajouter au schéma, mais il était sans doute déjà bien encombré.

Le communiqué de presse explique : «la plupart des internautes ont entendu parler de l'Hadopi sans en avoir une idée précise. Ce dépliant a pour objectif de donner à chaque internaute "le mode d'emploi" de l'Hadopi» . Cette campagne est censée toucher «830000 contacts» . Pas sûr que ces derniers ressortent de leur lecture beaucoup plus éclairés, et l'Hadopi a encore du pain sur la planche avant l'envoi du premier e-mail d'avertissement (c'est quand, déjà?) pour bien se faire comprendre. On peut en rire. Ou on peut ne pas.

PS : Sur la première page, aux côtés de «Culture», «Offres légales», «Label» ou «Musique», on trouve aussi «Jeux vidéos». Puisque nous aussi, on fait dans le pédagogique, on précisera très calmement que, «vidéo» étant un adjectif invariable, «Jeu vidéo» au pluriel s'écrit «Jeux vidéo». Non mais.

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