Hadopi: vers un vote unique ?

par Astrid GIRARDEAU
publié le 4 mai 2009 à 12h57
(mis à jour le 4 mai 2009 à 13h14)

«Nous serons très attentifs à ce vous n'alliez pas vous coucher, car nous voterons dès ce soir» lançait Jean-François Copé mercredi dernier, 29 avril, lors de la reprise des débats sur le projet de loi Création et Internet à l'Assemblée Nationale . Propos auxquels le député Jean-Pierre Brard (GDR) réagissait : «Ce que nous pressentions se réalise : le bâillon individuel est prêt, ainsi que la muselière pour l'Assemblée nationale ! Alors que nous avons beaucoup d'amendements à examiner, les propos de M. Copé anticipent l'application de l'article 44 de la Constitution.»

Le gouvernement va-t-il être tenté de recourir à l'une des «armes lourdes» qu'autorise la Constitution en utilisant l'article 44-3 (aussi appelé vote «bloqué» ou «unique») pour court-circuiter les discussions autour de l'encombrant projet de loi Création et Internet ?

La question, restée sans réponse, a été lancée par la députée Martine Billard (GDR) mercredi dernier, 29 avril, lors de la reprise des débats sur le projet à l'Assemblée Nationale . Ce matin, elle nous explique que «l'inscription du vote solennel à l'ordre du jour dès demain, mardi 5 mai, à moins d'être utilisé comme une menace, est bizarre» . Selon la députée, si mercredi aurait été à la limite envisageable, elle ne voit pas comment, «même en allant très vite, et en ayant des séances musclées» , il est possible d'avoir un vote dès demain. A moins d'utiliser le 44-3. «Le gouvernement a probablement été réconforté par les décisions européennes, mais j'imagine qu'il aimerait avoir le vote avant le vote définitif [du Paquet Télécom, prévu ce mercredi ndlr] » , estime la députée.

Différent de l'adoption sans vote (49-3), le 44-3 permet de procéder à un seul vote, sans voter sur chaque article et sur chaque amendement : «Si le gouvernement le demande, l'assemblée saisie se prononce par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le gouvernement» .

C'est la logique du tout ou rien. Il appartient aux parlementaires de refuser ou d'accepter le texte en bloc. Les discussions ont quand même lieu, mais cela force l'adoption d'amendements susceptibles d'être rejetés, et empêche l'adoption d'autres jugés gênants. Le gouvernement est libre de choisir le moment où il annonce son intention de l'utiliser. Mais, surtout, c'est le gouvernement qui définit alors le texte qui fera l'objet d'un vote unique. A noter que le rejet des textes soumis à un vote bloqué est exceptionnel.

Dans les colonnes du Monde , Franck Riester, le rapporteur du projet de loi, indiquait jeudi dernier : «on est arrivé à un texte de synthèse, équilibré, entre ce que pensaient les sénateurs et les députés. J'espère qu'il ne sera que très peu amendé. On peut ne pas être d'accord avec l'intégralité de tous les détails du projet de loi mais le voter quand même, dans la mesure où il s'agit du fruit d'un travail collectif.» Une formulation jugée «très ambiguë» par Martine Billard. En effet, si on ôte le «J'espère qu'il ne sera que très peu amendé» , le reste peut être lu comme une définition du vote unique.

Selon nos informations, si le vote bloqué a bien été envisagé, il est aujourd'hui très incertain. Sauf à vouloir à tout prix évacuer tout risque d'incident -- par exemple prévenir une présence trop faible des députés de la majorité ou un mouvement de ceux-ci contre certains amendements ou la totalité du texte --, l'usage du 44-3 aurait un coût pour le gouvernement. On se souvient ainsi qu'évoqué lors de la loi sur l'audiovisuel, en décembre dernier, il a finalement été rangé car jugé contre-productif sur le plan politique. Politiquement justement, vote bloqué ou non, l'opposition va vraisemblablement tout faire pour repousser le vote solennel à mardi prochain, 12 mai. Principalement en occupant au maximum la parole lors les deux séances qui vont avoir lieu aujourd'hui afin d'empêcher que le texte puisse être entièrement vu d'ici ce soir.

On doit s'attendre à une reprise des débats, cet après-midi à partir de 16 heures, assez musclée. Et être assez vite fixé sur le sort de la loi.

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