Menu
Libération

Halo maman bobo

Perpétuité ou relaxe? Daniel, 17 ans, a tué sa mère et blessé son père qui voulaient lui interdire de jouer. Verdict aujourd’hui.
par Bruno Icher
publié le 12 janvier 2009 à 17h17

Ce lundi matin, Daniel Petric, 17 ans, connaîtra le verdict que lui réserve le tribunal d’Elyria (Ohio). La prison à perpétuité ou la relaxe pour irresponsabilité au moment des faits. Seule certitude, il échappera à la condamnation à mort en vigueur dans cet Etat en raison de son jeune âge, bien qu’il ait été jugé comme un adulte.

Daniel est accusé d'avoir assassiné sa mère et d'avoir blessé grièvement son père un soir d'octobre 2007. Avec préméditation et circonstances aggravantes, affirme le procureur, car le jeune homme a tenté de maquiller le crime en drame familial, prétendant que son père avait abattu sa mère avant de tenter de se suicider. James Kersey, l'avocat de la défense, soutient lui la thèse d'un coup de colère meurtrier de l'adolescent. Une stratégie quasiment vouée à l'échec car, pour établir l'irres­ponsabilité, l'avocat a plaidé que Daniel était sous l'emprise des jeux vidéo violents et notamment de Halo 3 , jeu futuriste à succès de Microsoft. Si le jury lui donne ­raison, ce qui semble hautement impro­bable dans la mesure où les expertises psychiatriques ont déclaré le jeune homme sain d'esprit, cette affaire pourrait créer une jurisprudence fâcheuse. Elle ouvrirait grand la porte à toutes sortes de diva­gations impliquant la dépendance aux jeux vidéo comme facteur déclenchant de folie meurtrière.

Ce 20 octobre 2007, Daniel Petric, 16 ans, invite ses parents à s'asseoir dans le salon familial. «Fermez les yeux, j'ai une surprise pour vous» , leur annonce-t-il. Une seconde plus tard, il sort de sa poche le pistolet 9mm de son père et fait feu. Le premier projectile touche Mark, 45 ans, en plein visage. Il tourne ensuite l'arme vers sa mère, Sue, 42 ans, et l'atteint à trois reprises. Une balle dans la poitrine, une dans l'avant-bras alors qu'elle tentait de se protéger, et une dans la tête. Au cours du procès qui a eu lieu en décembre, le père a raconté la scène. «Je ne me souviens pas des coups de feu. Quand je suis revenu à moi, tout mon visage était engourdi mais je voyais que ma femme ne bougeait plus. Daniel s'est assis à côté de moi et m'a tendu l'arme en disant: "Tiens Papa, voila ton pistolet, tu veux le prendre?" Et, il me l'a mis dans la main.» Quelques minutes après la fusillade, la sœur aînée de Daniel, Heidi Archer, et son mari Andy se présentent à la porte de la maison familiale. Ils viennent voir le match de base-ball à la télévision mais sont arrivés plus tôt que prévu. Daniel tente de bloquer l'entrée, criant que ses parents sont en train de se disputer. Andy, son beau-frère, finit par forcer le passage et découvre le bain de sang. Il réussit à maintenir Mark en vie et désarme Daniel qui tente de recharger l'arme. Tandis que les secours arrivent, Daniel monte dans le minivan familial et s'enfuit. Il est arrêté quelques minutes plus tard par une patrouille de police. Les agents qui ont fouillé le minivan ont découvert la boîte du jeu Halo 3 sur le siège du passager.

Pendant le procès, de nombreux témoins ont défilé à la barre pour cerner la personnalité du jeune homme. Ils ont raconté qu'un an avant ce 20 octobre, Daniel a été victime d'un grave accident de snow board, endommageant sa colonne vertébrale. A l'hôpital, il a contracté une infection staphylococcique qui risque de le laisser paralysé au moindre incident. C'est la raison pour laquelle Daniel, depuis un an, était confiné dans la petite maison de Brighton Town, un village rural à quelques kilomètres de Wellington où Mark, assisté de son épouse Sue, est pasteur de l'église New Life Assembly of God. «Daniel est devenu accro à la télévision et aux jeux vidéo» , selon le témoignage de sa jeune sœur. «Il était tellement obsédé par Halo qu'il pouvait jouer sept ou huit heures d'affilée» , selon Jonathan Johnson, le meilleur ami de Daniel. Le week-end avant le drame, c'est chez lui que Daniel trouve refuge après une énième dispute avec son père. Le pasteur interdit à son fils de s'adonner à ces jeux qu'il juge «violents et sexuellement explicites» . En septembre, il a même confisqué à Daniel le jeu Halo 3 qu'il venait d'acheter et l'a enfermé dans une boîte en bois. Celle où il range son pistolet 9mm. En revenant de chez son copain où les deux adolescents s'étaient livrés à «un marathon Halo de seize ou dix-huit heures» , dit Jonathan, Daniel a dérobé la clé de la boîte. Il a récupéré son jeu et a pris l'arme.

Au cours de sa plaidoirie, James Kersey a tenté de souligner le caractère incongru d'une arme de poing au domicile d'un pasteur. Un témoin, amie de la famille, a balayé l'argument: «Quand vous habitez une petite ville comme Wellington, vous chassez. C'est comme ça. Avec des amis de l'église, on se retrouve parfois pour s'entraîner au tir. ­Daniel a été parfaitement éduqué sur l'usage et la connaissance des armes à feu.» Pour le procureur Tony Cillo, la préméditation ne fait aucun doute: «Il en avait simplement ­assez des règles de ses parents, alors il a décidé de les éliminer. Le matin même, il a appelé un ami pour lui dire que ses parents se disputaient.» Autrement dit, il préparait son coup. Et pour enfoncer le clou, le pro­cureur a demandé à Jonathan, l'ami de ­Daniel: «Et vous, vous ne pensez pas que Halo 3 est la raison pour laquelle il a tué sa mère?» Jonathan a juste répondu: «Non, je ne crois pas.»

Paru dans Libération du 12 janvier 2009

Lire les réactions à cet article.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique