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Libération

«Happy Town», clone triste de «Twin Peaks»

par Alexandre Hervaud
publié le 6 janvier 2011 à 13h07
(mis à jour le 6 janvier 2011 à 13h09)

La télévision américaine ne cesse de puiser dans son propre répertoire pour alimenter ses grilles, un lifting de vieille série connue du public restant toujours plus facile à «vendre» qu'une création originale. Après K2000 ou Super Jaimie , la saison dernière avait vu le retour des flics en chemisettes d' Hawaï Police d'État (attendue cette année sur M6).

Face à de tels liftings assumés, on trouve aussi des copies non conformes, mais néanmoins indéniables. Ce fut le cas il y a quelques mois sur la chaîne ABC, et dès ce soir sur Canal +, avec Happy Town , créée par d'anciens scénaristes d' Alias . Vingt ans après la diffusion sur la même chaîne de Twin Peaks, Happy Town apparaît clairement comme le rejeton illégitime de la série culte de David Lynch et Mark Frost. D'ailleurs, ABC ne s'en cachait pas dans la version longue du trailer présentant le show à la rentrée dernière :

Résumons grossièrement l'histoire qui rappellera sans doute de bons souvenirs aux fans de l'agent Cooper : dans une petite ville entourée de forêts, un meurtre perturbe la pseudo-quiétude du patelin où s'enchaînent disparitions, amours cachés, trahisons, maris ploucs violents, et où les rapaces ont une fâcheuse tendance à vous sauter à la gueule dans les bois. Les flics locaux plutôt dépassés sont épaulés par un agent extérieur aux méthodes particulières. La famille de notables puissants et patibulaires du coin tient également une entreprise qui embauche la plupart des habitants : à défaut d'une scierie, c'est ici d'une usine à pain qu'il s'agit.

Voilà pour le cadre twinpeaksien en diable. L'histoire, heureusement, diffère un peu en proposant de multiples pistes, d'abord rationnelles façon drama cop chez les culs terreux avant de virer au potentiellement fantastique. Dès le pilote, d'assez bonne facture, la tranquillité toute relative de la «happy town» d'Haplin touche à sa fin avec le retour du Magic Man. Derrière ce nom se cache le grand méchant de l'histoire qui tient presque de la légende urbaine (ou plutôt rurale, ici) et à qui sont attribués des enlèvements d'habitants survenus quelques années plus tôt.

DR

Au niveau du casting, à part Sam «Jurassic Park» Neill, on retrouve beaucoup d'acteurs dont le patronyme peut encore nous échapper mais pas le souvenir de leur trogne, croisée pour certains dans Lost, Six Feet Under, Dollhouse, Urgences, The Wire ... Bref, une distribution d'habitués devant la caméra, mais également derrière : Mick Garris, créateur de la série Masters of Horror et réalisateur de nombreuses adaptations inégales de Stephen King, a mis en scène un épisode, tout comme Ron Underwood, réalisateur du culte Tremors .

Sans pour autant casser des briques, la construction efficace des premiers épisodes, couplée à la promo intensive de la chaîne américaine, aurait pu garantir au show un certain succès. Las, cette ville joyeuse a fait un flop, poussant ABC à l'annuler vite fait. Pas de quoi nous laisser en pleurs et inconsolable, mais tout de même, on aurait pas snober une suite. Le show s'achève en effet sur un twist prometteur : une saison 2 avec le même nombre d'épisodes (contrairement à un Twin Peaks qui, n'en déplaise aux puristes, avait un peu eu les yeux plus gros le ventre avec sa saison 2 parfois longuette) aurait largement été possible. Outre-Atlantique, seuls six des huit épisodes tournés ont été diffusés, les deux derniers ayant été directement postés sur le Net, comme un vulgaire clip expérimento-transcendantal de David Lynch. Moche.

NB : signalons au passage que Josh Appelbaum, Andre Nemec et Scott Rosenberg, les créateurs du show, ont tous les trois œuvré sur une série à nouveau guère originale, puisqu'il s'agit du remake US de l'excellente Life on Mars de la BBC. Hasard des grilles françaises, ce Life on Mars là débarque lui aussi ce soir, mais tardivement (23h50) et sur M6.

Canal +, ce soir, 20 h 50, épisodes 1 et 2/8.

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