Hervé Morin : pour un Internet ouvert, mais pas trop

Hier, le président du Nouveau Centre a présenté sa Déclaration des Droits Fondamentaux Numériques. Un texte flou prônant la régulation d'Internet.
par Astrid GIRARDEAU
publié le 24 juin 2009 à 18h15
(mis à jour le 25 juin 2009 à 16h43)

Hier matin, Hervé Morin, le président du Nouveau Centre, présentait sa Déclaration des Droits Fondamentaux Numériques . Problème : derrière la bonne intention affichée («objectifs universels», «projet participatif», etc), on trouve une palette d'idées fourre-tout qui finalement rejoignent la volonté du gouvernement de réguler à tout prix Internet, quitte à porter atteinte à sa neutralité. Démonstration avec le premier des huit articles de la Déclaration.

L' Article 1er commence ainsi : «Toute personne a le droit d'accéder et d'utiliser librement le réseau Internet, neutre et ouvert.» . On applaudit des deux mains ce rappel fondamental des principes d'Internet. Puis on lit le reste de la phrase : «...sous réserve de ne pas porter atteinte à l'ordre public et aux droits d'autrui» . Tout d'un coup c'est déjà beaucoup plus flou. Et moins ouvert. La note associée à l'article enfonce le clou : «Le droit à une libre utilisation du réseau s'oppose à toute forme de filtrage par les pouvoirs publics, sauf pour des motifs d'ordre public comme, par exemple, la lutte contre la pédophilie.

L’utilisation du réseau peut également être encadrée en cas d’atteinte aux droits d’autrui. Ceci peut justifier un accès restreint au réseau dans le cadre professionnel afin de limiter la navigation sur Internet aux seules exigences liées à l’activité professionnelle.»

En clair, cela valide le principe de filtrage proposé par le ministère de l'intérieur dans le cadre de la Loppsi.

Cela va même plus loin en ouvrant la restriction de l'accès Internet en cas d'atteinte à l' «ordre public» . Pour rappel, en droit administratif, l'ordre public est un état caractérisé par «le bon ordre, la sécurité, la salubrité et la tranquillité publique » . Il y a peu de notions juridiques «aussi difficiles à définir que celle d'ordre public» , estime le site JuriTravail . «Il s'agit de l'ensemble des règles obligatoires qui touchent à l'organisation de la Nation, à l'économie, à la morale, à la santé, à la sécurité, à la paix publique, aux droits et aux libertés essentielles de chaque individu.» Cela pourrait-il concerner les auteurs quand on sait que le droit moral relève de l'ordre public ? Ou encore la liberté d'expression face à des sites jugés trop virulents à l'encontre du gouvernement ? Ou encore un commentaire type «Hou la menteuse» postée en commentaire d'une vidéo vu que des paroles déplacées peuvent être considérés comme «trouble à l'ordre public» ?

On peut également citer l'Article 3 : «La dignité numérique est un droit fondamental» , suivie de l'explication suivante : «l'absence d'autorité de régulation des contenus disponibles sur supports numériques – à la différence du secteur audiovisuel – ne doit pas conduire à autoriser sur Internet ce qui est interdit ailleurs.» Cela rappelle étrangement la définition d' Internet comme «zone de non-droit» si chère au président de la République.

Issu d'un groupe de travail, dans lequel on trouve avocats, professeurs, mais aussi Olivier Esper (Google France) ou François Momboisse (FEVAD), le projet se présente comme participatif : «les internautes peuvent commenter la Déclaration, dans son intégralité et/ou article par article, proposer des modifications et poser leurs questions» à Hérvé Morin qui y répondra lors d'un «événement interactif» qui aura lieu lundi prochain à la Fondation pour l'Innovation Politique (75007).

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