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Libération

Hollywood enfonce le cloud

par Didier Péron
publié le 12 octobre 2011 à 0h00

Steve Jobs est mort et Hollywood s'est empressé d'annoncer un projet de biopic, qui serait le pendant au Social Network de David Fincher sur Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook. Soit l'irrésistible ascension du mogul fauché en plein ciel de gloire. Sony Pictures Entertainment va acquérir les droits de la biographie autorisée, écrite par Walter Isaacson, qui doit paraître ce mois-ci. L'ex-patron d'Apple a contribué de multiples manières à modifier le cinéma en profondeur. Son nom est associé aussi bien à la création de nouvelles icônes de la culture populaire mondialisée (Pixar) qu'à la mise à disposition du praticien lambda de moyens de montage domestique avec iMovie (Jonathan Caouette et son fabuleux Tarnation, par exemple, en 2003). Mais on ne saura jamais quelle couleuvre Jobs aurait fini par faire avaler aux studios pour les faire entrer dans l'ère de la diffusion numérique sur le modèle imposé par l'App Store. Comme l'écrit Jon Healey du Los Angeles Times, les studios renâclaient à accorder à Jobs le même niveau de pouvoir que celui qu'il avait fini par acquérir dans le business musical. Ni Apple ni Disney ne figurent d'ailleurs dans le projet de license globale vidéo UltraViolet, en cours de lancement et qui rassemblent 70 entreprises (dont Microsoft, Netflix, Sony, la Fox, Paramount et la plupart des gros studios de cinéma). Via UltraViolet, l'industrie cinéma, dont le modèle économique a, ces derniers temps, surtout consisté à créer la 3D relief afin de compenser la baisse tendancielle du nombre de spectateurs en augmentant le prix du billet, pose un orteil prudent dans le bain à remous de la circulation des films sur Internet avec un système de stockage en «nuage». Dans le même temps, Apple lance son iCloud, mais, jusqu'à preuve du contraire, il ne comprend pas de streaming vidéo. Manifestement, les négociations menées par Jobs étaient en cours, soit pour entrer à terme dans UltraViolet en fixant ses propres règles du jeu, soit en créant un magasin de programmes concurrents, avec une nouvelle guerre d'usure et de format qui finalement perd son stratège avant le premier échange de balle. «Je pense que vous pourrez bientôt voir un film avant qu'il n'arrive en salles», déclarait Steve Jobs. Une provocation lancée à la tête d'Hollywood, qui a toujours vu en lui le dangereux démon qui allait abolir d'un clic la montagne d'or sur laquelle les studios sont assis.

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