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Libération

IMDb a 20 ans : le cinéma en haut de la fiche

par Alexandre Hervaud
publié le 18 octobre 2010 à 17h06
(mis à jour le 18 octobre 2010 à 17h18)

C'est le même rituel ou presque après quasi chaque sortie de projection ou soirée TV. Avant les critiques express dans le meilleurs des cas, ou les monologues analytiques dans le pire, arrivent les inévitables questions du style «mais il a joué dans quoi, déjà, le mec qui joue le méchant ?» . La plupart du temps, si la réponse n'est pas trop ardue, une bonne âme saura fournir la réponse en 2 secondes. Dans d'autres cas, la marche à suivre sera souvent la même : aller sur imdb.com , à savoir l'Internet Movie DataBase, site indispensable aux cinéphiles qui a fêté ce dimanche 17 octobre 2010 ses 20 années d'existence. Pour mémoire, IMDb recense les films et séries TV du monde entier, ainsi que les artistes et techniciens ayant œuvré sur les projets. Le site est depuis 1998 la propriété d'Amazon, d'où les liens vers le site marchand proposés sur chaque fiche.

La date anniversaire peut éventuellement faire débat : c'est en effet en 1993 que IMDb a réellement pris la forme d'un site web. Avant cela, Col Needham, le fondateur d'IMDb âgé de 43 ans désormais, passionné de cinéma et d'informatique, alimentait avec d'autres volontaires bénévoles une base de données baptisée rec.arts.movies sur le groupe de discussions USENET du même nom. Dans un passionnant entretien publié par les Cahiers du Cinéma , qu'avait mené Jean-Michel Frodon à Bristol en février 2008, Needham rappelle un peu le contexte de l'époque : «Il faut se souvenir qu'il s'agissait alors uniquement de textes que vous pouviez télécharger sur votre ordinateur, il n'y avait pas d'hypertexte, il était impossible de circuler dans ces listes. Mais quand quelqu'un dans le groupe a dit : "il faut un moyen pour rechercher à l'intérieur des listes", j'avais déjà cet outil dans ma propre base de données, mais pour mon seul usage. J'ai alors réécrit le programme de recherche pour que tout le monde puisse l'installer sur son ordinateur. À cette époque, il fallait être informaticien pour utiliser Internet, tous les membres d'un groupe comme rec.arts. movies savaient donc écrire un programme informatique.» On peut encore trouver des traces de ces échanges vieux de 20 ans par ici , quand alimenter le site était encore un hobby avant tout.

Une même fiche, à plusieurs années d'intervalle - DR

L'ambition commerciale du site voit le jour en 1996 après moult débats au seins des contributeurs, pas tous enthousiastes à l'idée de voir débarquer la publicité -- pour la petite histoire, le tout premier annonceur était la Fox avec Independence Day . Deux ans plus tard, le site est racheté par Amazon, qui en fait une filiale et permet aux premiers actionnaires (à savoir le groupe des premiers bénévoles les plus actifs) de gagner de l'argent pour la première fois. Concernant les contributeurs du site qui ajoutent informations et alimentent les crédits des fiches, ils gardent théoriquement le copyright de leurs apports qui, contrairement à un Wikipedia , doivent être approuvés par un employé du site avant publication. À ceci près que IMDb précise bien dans les conditions d'usage du site qu'une fois ajouté et édité dans la base, tout contenu posté devient la propriété exclusive d'IMDb qui s'arroge le droit de le copier, modifier, traduire, republier sous n'importe quelle forme les textes ou visuels soumis. Décidément très loin de Wikipedia, donc. Pour une initiative similaire mais libre (et bien moins alimentée), on peut conseiller l'alternative omdb (pour Open Media Database) sous licence Creative Commons.

A l'occasion de cet anniversaire symbolique, le site propose depuis plusieurs jours divers contenus spécifiques (beaucoup de listes du staff, comme le top films de ces 20 dernières années du fondateur) et autres vidéos de réalisateurs ou acteurs, en mode double promo (la leur et celle du site). On constate ainsi que plusieurs entretiens se ressemblent énormément, sans surprise. Les réalisateurs Kevin Smith et Eli Roth , par exemple, partagent le même intérêt pour le site en matière de portfolio géant pour découvrir le parcours des jeunes acteurs que leur proposent les responsables de casting pour leurs projets respectifs. Dans une lettre ouverte aux utilisateurs du site, Col Needham rappelle le parcours d'IMDb, désormais accessible en version mobile, en donnant quelques chiffres : 100 millions de visiteurs uniques utilisent chaque mois IMDb, qui propose 1,7 millions de fiches (tout type d'œuvres confondues).

Au delà des chiffres de fréquentation, des vidéos d'autocongratulation et des querelles éventuelles sur l'évolution d'un site de purs amateurs en un gros réservoir à bannière pub, on ne peut nier l'importance d'IMDb sur la façon dont les internautes, autrement dit le public, s'est réapproprié certains titres du septième art. Un peu à la manière de la VHS dans les années 80 et 90 qui redonnait un nouveau souffle à certains films décriés lors de leur sortie en salles ( The Thing , de Carpenter par exemple), IMDb a lui-aussi contribué à une réévaluation du patrimoine cinématographique, signant peut-être encore plus que les blogs ou les réseaux sociaux l'avènement d'une critique amateur et populaire face à la toute-puissance des médias traditionnels.

DR

Le parfait exemple, désormais bien connu, est Les Evadés , ce film de Franck Darabont tiré d'une nouvelle de Stephen King, qui n'avait guère marché lors de sa sortie en 1994, mais qui squatte depuis des années la première place du top 250 des meilleurs films , un classement basé sur les votes des utilisateurs du site. Avec le risque de récupération mercantile ? Pas vraiment à en croire Col Needham qui disait, en 2008 : «Les studios cherchent à utiliser IMDb pour amplifier la rumeur,mais le nombre de votants est si élevé qu'il est impossible de fausser les statistiques de manière significative.» . Si l'on voit un jour Transformers 3 truster la première place, on pourra toutefois commencer à s'inquiéter. Ou à suspecter 4chan.

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