INRIA : «Pour punir un voleur, on ne va pas interdire les échelles»

Jean-Pierre Verjus, directeur général adjoint de l'Institut national de recherche en informatique et en automatique, nous explique son point de vue technique sur la loi Création et Internet.
par Astrid GIRARDEAU
publié le 10 mars 2009 à 16h40
(mis à jour le 10 mars 2009 à 17h16)

Selon Jean-Pierre Verjus, le directeur général adjoint de INRIA (Institut national de recherche en informatique et en automatique) , les caractéristiques propres au réseau ne sont pas prises en compte dans le projet de loi Création et Internet. Il estime que la sanction qui consiste à couper l'accès à Internet des internautes «soulève des questions d'ordre scientifique et technologique qui rendent difficile la mise en œuvre d'une telle mesure» . Nous l'avons interrogé pour en savoir plus.

Pourquoi l'INRIA intervient aujourd'hui dans ce débat ?

_ Nous avons été contactés récemment par des hommes politiques qui souhaitaient connaître notre position sur les questions techniques du projet. Il ne s'agit pas pour nous de nous positionner sur le bien fondé de punir ou non les gens qui téléchargent des œuvres protégées par le droit d'auteur. On nous a demandé si les moyens techniques prévus par la loi pour couper l'accès à Internet seraient opérationnels, et la réponse est non.

Nous avons de sérieux doutes sur la logique qui consiste à punir en installant des obstacles techniques. Pour sanctionner un voleur, on ne va pas interdire son échelle et son passe-partout, ou toutes les échelles et passe-partout existants. Comme pour le spam, au fur et à mesure que des dispositifs techniques anti-spams sont mis en place, les gens qui les envoient trouvent de nouveaux dispositifs. Donc fixer dans le marbre un dispositif technique, c'est peine perdue.

Vous parlez de trois principaux freins à la mise en œuvre d'une telle mesure.

_ Tout d'abord, il est techniquement possible pour un utilisateur dont l'accès Internet aura été coupé de contourner cette sanction par l’encryptage de ses données et contenus. Ensuite, selon nos spécialistes, l’exclusion individuelle d’Internet impliquerait un dispositif

d’identification numérique personnelle impossible à mettre en œuvre. Enfin, l’absence de régulation internationale d’Internet compromet l’effet

de mesures restrictives. C'est comme pour le nuage de Tchernobyl.

Il faut que la France comprenne qu'elle n'est pas toute seule et qu'Internet n'a pas de frontières. On ne peut pas traiter des usages seulement au niveau français.

Quel conseil donneriez-vous aux députés ?

_ De ne pas placer de dispositif technique visant à couper l'accès à Internet. Cela n'est pas raisonnable, ça va coûter des millions, et compliquer la vie des opérateurs. Un système de type amende serait plus adapté.

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