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Libération

ISOC : «Cette loi Création et Internet est une bombe à retardement !»

par Astrid GIRARDEAU
publié le 25 février 2009 à 12h01
(mis à jour le 25 février 2009 à 15h08)

A quelques jours du passage du projet de loi Création et Internet devant l'Assemblée Nationale, l' Internet Society France réaffirme son désaccord . Un texte et une approche qui, selon elle, vont «générer des tensions fortes et de nombreux problèmes d'application» . Elle publie par ailleurs une prospective, Le boomerang législatif , sur la mise en place de la loi et ses conséquences jusqu'au 7 avril 2010.

«On marche sur la tête» . Dès juin dernier , la branche française de l'ISOC, association américaine qui regroupe plus de 20000 membres et 150 organisations de décideurs et utilisateurs d'Internet dans 180 pays, demandait le retrait d'un projet qui, selon elle, est «contraire aux droits les plus élémentaires de tout citoyen» . Puis, en septembre, c'est l'ISOC-EEC , la branche européenne, qui dénonçait un projet reflétant «un manque de compréhension de ce qu'est l'Internet, avec des conséquences négatives sur les usages de l'Internet à de nombreuses fins économiques et sociales».

Hier, l'Internet Society France a décidé de remonter au créneau dans ce débat qu'elle juge «loin d'être clos» . Par exemple, à la vision éducative prônée par le ministère de la Culture, elle répond : «de même que l'interdit bancaire n'a jamais appris à lutter contre l'endettement, le bannissement d'Internet ne sera pas utile pour éduquer sur le respect du droit d'auteur.» Elle estime que l'évolution des mentalités ne pourra pas se faire dans un cadre où justice et forces de l'ordre sont évacuées. Côté usages, comme de nombreux observateurs, elle pense que cela va générer le développement de nouvelles pratiques ( «P2P sans tracker, site d'archives, serveurs payants» ) tandis que «les points d'accès non personnels (HotSpots publics, cafés internet…) seront fermés ou restreints à une liste blanche, notamment les réseaux WiMax dans les zones rurales, excluant d'Internet une partie des Français !» .

Parallèlement, l'ingénieur logiciel Paul Guermonprez , propose donc un scénario de mise en application de la loi (PDF) . Parmi les étapes qui nous emmènent jusqu'au 7 avril 2010, on notera le 4 avril 2009, date à laquelle l'auteur prévoit : «Décret d'application paru en un temps record, la Haute Autorité nommée rapidement, tout était en place. Annoncées par le président lui même les premières lettres furent envoyées discrètement. Trois cas sont arrivés jusqu'aux médias, pour deux cas des adolescents vivant chez leurs parents, pour le 3ème une jeune adulte vivant seule.»

Le 20 juin il décrit «une journée dans les entrailles de Big Brother» , depuis la collecte des adresses IP, leur transmission à l'Hadopi, la récupération du nom et des coordonnées correspondants à l'IP, puis l'envoi, par le fournisseur d'accès Internet du mail ou de la lettre recommandée. Dans son ensemble, il décrit le dispositif comme un «système automatisé de bout en bout à l'image des robots flasheurs sur le bord des routes, mais qui implique plus de partenaires et doit fonctionner avec quelques approximations techniques au cours de la chaîne» . Rappelant que «l'humain (de par l'automatisation) ou le système judiciaire (de par la loi création et internet) sont absents de cette chaîne de traitement.»

A l'été 2009, les plus aguerris ont adapté leurs pratiques pour contourner la loi. «Madame Michu elle pas encore, en août elle bronze. Par défaut Madame Michu hésite pour la rentrée : prendre le risque faible d'une sanction moyennement forte ou arrêter. Elle devra demander à son neveu-qui-connait-bien-les-ordis des conseils la prochaine fois.»

Saut dans le temps, au mars 2010, devant l'inefficacité du filtrage mis en place, le gouvernement décide de passer à l'inspection des paquets. «La méthode consiste à analyser le contenu d'un message "paquet" pour voir de quel type il est. Passer un colis aux rayons X si vous voulez. Ensuite, selon le type de contenu, bloquer ou pas» . Mais cela s'avère de nouveau insuffisant. Aussi le 7 avril : «La neutralité du réseau n'était depuis un an qu'un souvenir, mais l'usage de la crypto-graphie permettait de retrouver un semblant de neutralité, le fournisseur étant incapable de savoir quel en était le contenu. La prochaine étape dans l'escalade sera donc l'interdiction de la cryptographie à usage privé.»

Sur le même sujet :

_ - La loi antipiratage, « un petit chantage entre amis » selon l'ISOC (11/06/2008)

_ - Riposte graduée : « Un manque de compréhension de ce qu'est l'Internet », selon l'Isoc Europe (08/09/2008)

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