Menu
Libération

«Inrocks» et puis une valse pour Audrey Pulvar

par Isabelle Hanne
publié le 17 décembre 2012 à 12h26

Les salariés des Inrocks l'ont appris par Twitter et une info de la lettre confidentielle Presse News : Audrey Pulvar, aux manettes de l'hebdomadaire culturalo-généraliste depuis mi-juillet, est sur le départ. Moins de six mois après son arrivée, elle semble en délicatesse avec le proprio du journal, le banquier d'affaires et coactionnaire du Monde , Matthieu Pigasse. C'est pourtant lui qui, après le départ à l'Elysée de l'ex-directeur général du titre, David Kessler, en tant que conseiller médias de François Hollande, l'avait choisie.

L'ex-compagne du ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, s'est adressée hier après-midi à la rédaction. «Elle nous a révélé que c'était très tendu, depuis plusieurs mois, avec Pigasse , explique un journaliste. Apparemment, ils ne se sont pas vus depuis cet été.» La bonne entente entre le proprio et la journaliste aurait été entamée dès la fin août, avec la polémique autour du choix de la banque Lazard, dont le numéro 2 n'est autre que Pigasse, pour une mission sur la future Banque publique d'investissement. Matthieu Pigasse aurait été plus qu'agacé des positions de Montebourg, qui a publiquement critiqué ce choix, et s'en serait plaint auprès de Pulvar. Autre litige, une interview dans GQ aurait particulièrement déplu à Pigasse : Audrey Pulvar se targuait d'être une «emmerdeuse» , et affirmait qu'en tant que journaliste, il fallait «penser contre sa direction et ses actionnaires» . Autre explication avancée par l'équipe : le départ d'Arnaud Aubron, qui pensait partager la direction générale du titre avec Pulvar, aurait irrité le banquier d'affaires, dont il était proche. Dans les mois qui ont suivi sa nomination, plusieurs membres de l'équipe ont en effet quitté l'hebdo.

Hier, la directrice générale et directrice de la rédaction des Inrocks a expliqué que Pigasse imposait «de faire des économies drastiques, pour combler 2,5 millions d'euros de déficit en 2013, relate un salarié. Elle nous a dit qu'elle ne voulait pas faire un journal de crise, qu'elle n'était pas venue pour ça» . Tandis qu'un autre estime : «Elle joue la victime collatérale d'un plan d'économies, alors que c'est surtout un problème de personnes.»

Depuis le rachat des Inrocks , en 2009, par Pigasse, pas moins de cinq directeurs généraux se sont succédé… «C'est bien la preuve que la boîte est mal tenue» , avance un journaliste. L'hebdo est déficitaire pour la troisième année consécutive, et sa diffusion payée a chuté de plus de 7% sur l'exercice 2011-2012. La progression globale des ventes (+ 12,3%) n'est due «qu'à une multiplication par cinq des ventes par tiers [la mise à disposition gratuite du journal, par exemple dans les universités, ndlr]» , précise Presse News. «Ce n'est pas le signe de l'échec de Pulvar, c'est le signe de l'échec de Pigasse , se désole un salarié. Il s'est engagé dans un délire en embauchant des gens, en louant des villas à Cannes [pour le Festival], le tout avec une gestion très bling-bling. Et il demande à Pulvar d'endosser ses échecs à lui.»

Audrey Pulvar est toujours à son poste mais elle a fait comprendre à la rédaction «que le rapport de force la dépassait complètement : son sort est scellé, elle va partir, tout le monde l'a compris» , raconte une journaliste. «Tu peux pas être DG et directrice de la rédaction et ne pas t'entendre avec l'actionnaire» , note-t-on encore. «Pour nous, c'est un nouveau rebondissement, une nouvelle instabilité, mais c'est pas non plus un crève-cœur.» Le départ d'Audrey Pulvar pourrait être acté le 21 décembre, lors d'un conseil d'administration.

Paru dans Libération du 14 décembre 2012

Lire les réactions à cet article.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique