Israël : journal à deux voix pour une «Promise» tenue

par Isabelle Hanne
publié le 21 mars 2011 à 19h01

Sur une étagère poussiéreuse, derrière de la vieille porcelaine, Erin remarque un cahier jauni entouré d’un élastique au caoutchouc cuit. C’est le journal intime de son grand-père, pendant ses années de garnison en Palestine, un demi-siècle plus tôt. Il est mourant, elle ne le connaît presque pas, il ne l’intéresse pas. Sans trop savoir pourquoi, elle embarque le journal.

Quelques jours après, la jeune Londonienne s’envole pour Israël retrouver une amie qui doit y commencer son service militaire. Dans l’avion, elle entame la lecture du journal de son grand-père, qui s’ouvre sur la libération de Bergen-Belsen, l’horreur des camps, les charniers. Empathie pour le peuple juif.

Elle découvre qu’après la Seconde Guerre mondiale, son grand-père est envoyé en Palestine, juste avant l’institution de l’Etat d’Israël. L’armée britannique doit faire tampon entre l’immigration juive, massive et traumatisée par l’Holocauste, et les Palestiniens, qui se sentent envahis et impuissants. Empathie pour le peuple palestinien. Erin, elle, se met en tête de refaire le parcours de son grand-père dans l’Israël d’aujourd’hui.

Ce sont donc ces deux histoires, parallèles, croisées, puis superposées, que raconte The Promise , film-fleuve en quatre parties, admirable coproduction franco-britannique (Channel 4, Canal + et Arte). Tout l'art de The Promise tient dans ses ambiguïtés, sa duplicité, son absence de manichéisme.

Pour raconter l'inextricable conflit israélo-palestinien, dans The Promise , tout est double : la narration, construite sur deux fils temporels, de 1945 à 1948, et pendant l'été 2005. Les personnages principaux : Erin, et donc Len, son grand-père, alors à peu près du même âge, dont l'histoire nous parvient grâce à la lecture de la jeune fille. Leur voyage à tous les deux, odyssées assez semblables, à plus de cinquante années d'écart. Les deux amours d'été d'Erin - un Juif israélien pacifiste, et un Arabe israélien, ancien membre des Brigades des martyrs d'al-Aqsa. L'endroit lui-même est double. D'un côté, un Israël moderne et prospère. De l'autre, des territoires découpés par un mur, sclérosés. Le film est, intrinsèquement, l'histoire d'un double serment bafoué : la promesse de Len à ses amis Arabes ; la promesse de l'armée britannique au peuple de Palestine.

Impossible d’avoir une idée fixe sur un personnage, ou d’avoir une certitude sur la situation. Pour les besoins de l’intensité du scenario, le film comprend quelques invraisemblances et artifices, comme la lecture très lente du journal par la jeune fille, mais qui permet de synchroniser ses expériences avec celles de son grand-père.

L'excellent réalisateur Peter Kosminsky ( les Graines de la colère, l'Affaire David Kelly ) n'hésite pas à souligner les lâchetés britanniques et la responsabilité de l'ancienne puissance coloniale dans la situation actuelle. En revanche, il ne pointe du doigt ni un camp ni l'autre, mais raconte une histoire à deux voies, une tragédie à deux voix.

Paru dans Libération du 21 mars 2011

The Promise

_ Téléfilm de Peter Kosminsky

_ Canal +, ce soir à 20 h 50 (1/4).

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