Jacques Rosselin, de «Vendredi» : «Le débat et la polémique se sont déplacés sur le web»

par Erwan Cario
publié le 17 octobre 2008 à 11h56
(mis à jour le 17 octobre 2008 à 11h59)

Aujourd'hui sort le premier numéro de «Vendredi», l'hebdo qui se nourrit du contenu du web. Entretien avec Jacques Rosselin, cofondateur de «Vendredi».

D'où vous est venu cette drôle d'idée ?

_ J'ai créé Courrier International parce que je lisais beaucoup de presse américaine et qu'il n'existait pas en France de publication qui permettait d'en avoir un aperçu. Aujourd'hui, je m'informe énormément sur le net. Et je pense qu'il manque un produit agrégateur des meilleures infos qu'on y trouve.

Mais quand même, mettre Internet sur du papier...

_ Je n'ai jamais imaginé autre chose. Le papier fournit une expérience de lecture unique. Aujourd'hui, Internet a une place prépondérante dans l'information, mais sur papier c'est toujours différent. Sur le net, on cherche, dans la presse, on trouve. Quand on surfe sur Internet, on est totalement libre, mais on peut se perdre et surtout passer un temps considérable à surfer pour trouver une info pertinente. Et les gens n'ont pas forcément trois heures par jour pour ça. Quand on lit un journal, on n'est plus maître de ce qu'on trouve, mais on fait le choix d'adhérer à une sélection, à une hiérarchie dans l'information.

Qu'apporte Internet, au niveau du traitement de l'information ?

_ D'abord un regard différent et rafraichissant. Ca change. L'écriture et le ton sont plus libres, et plus durs, aussi. Même quand il s'agit de blogs de journalistes professionnels, ils s'expriment différemment sur le net. Et puis la richesse d'Internet, ce sont les centaines de blogs qui commentent l'actualité. Depuis le référendum sur la constitution européenne, en 2005, le débat et la polémique se sont déplacés sur le web.

Ce n'est pas forcément l'avis de la presse papier aujourd'hui...

_ C'est vrai. On le voit bien lors de ces Etats généraux de la presse où Sarkozy a caressé les journalistes dans le sens du poil en stigmatisant la qualité de l'info qu'on trouve sur le net. Pour certains journalistes, Internet est encore une sorte de fosse à purin où on trouve de l'info merdique et des vidéos rigolotes. Mais le web a mûri. C'est une source alternative d'info, de commentaire et d'expertise. C'est un espace de liberté et de réflexion.

Comment travaillez-vous pour réaliser Vendredi ?

_ Nous somme quatre à parcourir le web pour trouver des articles et des sources. Le plus facile, c'est de collecter l'info. On utilise Google Reader et un outil appelé NetReader qui permet d'effectuer un travail collaboratif de classement et de commentaire de ce qu'on a repéré. On crée donc un pot commun de liens qu'ils faut ensuite lire et évaluer.

Mais l'écriture web est assez spécifique, pas dans le fond, mais dans la forme. Comment faites-vous pour gérer l'aspect multimédia et l'hypertexte ?

_ C'est une des difficultés majeures: il faut adapter les articles à la forme papier. Mais c'est un peu la base du boulot de journaliste dans la presse écrite. Ca nous arrive par exemple de raccourcir de très longs articles, mais on peut les faire relire par le blogueur en question. Pour l'instant, les retours que nous avons eu sont très positifs. Les blogueurs sont sensibles au soin qu'on apporte aux papiers.

Vous avez une ligne éditoriale ?

_ Elle est en contre champ par rapport à la pensée dominante. Nous sommes quatre pour construire ce journal et il va aussi refléter notre vision des choses. Ce sera forcément une sélection subjective du net. Et on revendique cette subjectivité. Au final, on va plus ressembler à un journal d'opposition qu'à un titre institutionnel.

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