Jeux en ligne, set et match

La Fédération française de tennis veut mettre les parieurs en ligne hors la loi avant Roland-Garros
par Christophe Alix
publié le 27 février 2008 à 8h14

Si les paris en ligne sur les événements sportifs français restent théoriquement interdits dans l'attente d'une hypothétique ouverture d'un marché estimé à 100 milliards d'euros annuels en Europe en 2015 (selon une étude de Merrill Lynch), rien n'empêche les Bwin (autrichien), Unibet (Suèdois) et Betfair (anglais) d'inviter les internautes à miser sur leurs sites sur les résultats de Lyon, de la pro ligue A de basket ou encore du tournoi de tennis de Paris-Bercy. Seulement voilà, alors que le monde de la petite balle jaune a déjà été éclaboussé par des scandales de matches truqués et achetés pour le plus grand bonheur de quelques gros parieurs, la Fédération française de tennis (FFT) a décidé de réagir et de passer à l'offensive contre ces sites. Une bataille juridique difficile entamée hier devant le tribunal des référés de Liège (Belgique) afin de tenter de faire interdire les paris sportifs en ligne sur les futurs matches du tournoi de Roland-Garros. Afin de «ne pas s'épuiser à poursuivre des centaines de sites» , selon son directeur général Jean-François Vilotte, la FFT a choisi d'en assigner trois de calibre ayant leur siège dans l'Union Européenne: Bwin, Betfair et Ladbroke. En espérant qu'une éventuelle décision défavorable à ces poids lourds du pari en ligne ferait jurisprudence ou donnerait du moins à réfléchir aux autres. Une procédure similaire est prévue en Allemagne.

Parallèlement, le mois dernier, la FFT a assigné au fond, devant un tribunal français, les sites Unibet et Expekt qui proposent déjà des paris sur l'édition 2008 de Roland-Garros. Après avoir observé durant l'open de Paris-Bercy, à l'automne 2007, un fort développement des paris sur ces deux sites, la FFT entend leur interdire d'utiliser « sa marque » Roland-Garros. « Vu le montant des paris engrangés pour Bercy, il fallait agir vite, explique Christian Bîmes, le président de la FFT. Nous irons jusqu'au bout de nos moyens pour protéger Roland-Garros » . Alors qu'il a été enregistré entre 500 millions et 1 milliard d'euros sur Paris-bercy, un « petit » tournoi ne générant que 10 millions d'euros de chiffre d'affaires, les responsables de la FFT s'attendent à un déferlement de paris sur Roland-Garros dont le chiffre d'affaires est lui de 118 millions d'euros.

Pour la FFT, le préjudice est d'abord commercial. Selon le Code du sport, et comme l'illustrent les cessions de droits TV ou de produits dérivés pour du merchandising, seul l'organisateur possède le droit d'exploiter sa manifestation. Mais le risque de corruption via le trucage de matches est également proportionnel aux sommes engagées dans des paris. «Plus il y a de paris, plus l'exposition au risque croit» , explique François Vilotte. «Même s'il n'y a pas de cas, il y a déjà suspicion et atteinte à l'image des épreuves.»

Sommée par Bruxelles de mettre fin aux monopoles du PMU et de la Française des Jeux sur les paris sportifs en ligne, la France s'est déclarée prête à ouvrir son marché à des opérateurs privés de façon «maîtrisée» . Mais en attendant, c'est la Française des jeux qui a encore le monopole de ces paris sportifs -- hors courses hippiques, réservées au PMU -- sur Internet. Se sachant surveillé par Bruxelles, qui soupçonne la France de vouloir protéger son monopole, l'opérateur des loteries nationales dont n'est d'ailleurs pas très actif dans le développement de nouvelles offres et s'abstient de proposer des prises de paris sur d'autres sports que le football. Dans ce contexte, les procédures entamées par la FFT ont également pour but de faire prendre conscience au législateur français des intérêts des organisateurs, «dans l'éventualité où il devrait faire évoluer la loi» , selon François Vilotte. Une modalité pourrait par exemple être d'obliger les sites autorisés à reverser une partie de leurs gains aux organisateurs des événements, comme le fait la Française des Jeux en participant au financement du sport amateur en France.

Sur le même sujet :

_ La France joue le jeu de Bruxelles sur les paris en ligne 07/11/2007)

_ - La France se prête au jeu de la concurrence pour les paris en ligne (26/09/2007)

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