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Libération

Kinect, cas d’études aux Fun Labs

par Olivier Seguret
publié le 14 juin 2011 à 10h49

Ah, le délicieux endroit ! L’University of Southern California (USC) de Los Angeles est un campus confortable et studieux qui donnerait presque envie de reprendre ses études. On y enseigne entre autres la chirurgie dentaire, les «arts et sciences» du cinéma et même le jeu vidéo. Ici, le George Lucas Building fait face au Steven Spielberg Building et le lobby Harold Lloyd jouxte celui dédié à Alfred Hitchcock… Bien loin du brouhaha du salon E3 où cervelle et tympans sont impitoyablement martelés, l’USC accueillait mercredi soir une cérémonie privée, au cours de laquelle une brochette d’étudiants a dévoilé l’état des travaux accomplis dans le cadre des Fun Labs, que l’on pourrait traduire par «labos rigolos».

Le trailer improbable avec Christopher Lloyd

Ces laboratoires sponsorisés par Microsoft sont le tube à essai des expériences les plus libres autour du périphérique Kinect pour Xbox 360, caméra à reconnaissance de mouvements qui abolit la manette. Les Fun Labs ne sont certes pas une entreprise purement philanthropique : ils ouvrent à Microsoft une inestimable plateforme expérimentale en recherche et en développement ; ils lui permettent de se fidéliser les meilleurs éléments parmi les jeunes aspirants au game-design ; et enfin lui offrent ce petit vernis de coolitude qui a longtemps fait défaut au géant de l’industrie informatique.

Sous le slogan «Play it smart» (mettons «joue-la malin»), les étudiants élus ont expliqué avoir eu accès aux kits de développement de Kinect avant même la mise sur le marché de l'accessoire. Ils ont également assuré avoir eu toute latitude pour s'exprimer librement et creuser toutes les idées qui leur passaient par la tête. Une petite dizaine de projets a été dévoilée, représentant les pistes les plus significatives et originales auxquelles se prête Kinect (1). Ces pistes vont du serious game jusqu'au délire graphique souvent débridé en passant par la recherche poétique la plus inattendue. Ainsi Jewel Mine , qui offre un troublant exemple de jeu thérapeutique. Destiné à des patients frappés de troubles neurologiques, il vise à réhabiliter certaines capacités motrices avec des exercices ludiques et légèrement physiques. DaVinci joue pour sa part sur une forme de sensibilité virtuelle à des forces physiques bien réelles, comme la gravité, le magnétisme ou l'attraction. Mars Racer , plus classique pour les gamers mais très séduisant dans son exécution, transforme le corps du joueur en vaisseau survolant les reliefs de Mars. Quant à Air Hockey , son titre dit à peu près tout : il propose de jouer à une sorte de hockey avec les mains.

S'il fallait choisir un favori, ce serait sans hésiter Mother Nature , conçu par une volubile Diane Tucker, spécialisée dans l'étude des interactions entre les animaux et leur écosystème. Difficile à décrire, son jeu propose de «générer de la beauté en utilisant son corps» . Dans un univers visuel qui rappelle lointainement celui de Flower (justement développé par d'anciens étudiants de l'USC), Mother Nature place le joueur dans un environnement où son corps devient une entité agissante selon les lois éternelles de la nature : pousser comme une fleur, chasser comme un prédateur, flairer les pistes, les parfums et les odeurs… D'une grande force poétique, Mother Nature ouvre aussi la voie à des réflexions philosophiques, politiques et écologiques. Graphiquement très gracieux malgré son apparence prosaïque, il laisse entrevoir un infini saisissant des possibilités de la machine Kinect, et plus généralement du média jeu vidéo lui-même.

C’est sans doute le meilleur bilan que l’on puisse tirer des diverses expériences permises par l’opération Fun Labs : elles servent naturellement les intérêts de leur sponsor, mais elles sont aussi une puissante source d’innovation et d’inspiration pour les game-designers et les joueurs de toutes obédiences. Le média jeu vidéo y gagne la dimension d’une hypothèse certes artiste et intellectuelle, mais surtout utopique.

(1) Un premier aperçu est accessible aux possesseurs de Xbox 360 via le Xbox Live. Ils peuvent également partager leurs propres créations, via kinectshare.com , sur Facebook, Twitter et YouTube.

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