L'Allemagne n'aura pas son Hadopi

par Andréa Fradin
publié le 17 juin 2010 à 14h45
(mis à jour le 17 juin 2010 à 14h46)

Ce n'est pas vraiment une surprise. Mais cette nouvelle annonce vient renforcer la dissension européenne sur la question. Le 14 juin, le gouvernement allemand a rappelé, par la voix de sa ministre fédérale de la justice Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, son opposition au système de riposte graduée.

Dans un discours prononcé devant l'Académie des Sciences de Berlin, la ministre a ainsi déclaré que cette solution, qui, en dernier recours, menace l'usager contrevenant d'une coupure de son accès à Internet, «constituerait une sévère interférence avec la liberté de communication» . Et d'enfoncer le clou en tâclant au passage la France, qui emprunte selon elle «un mauvais chemin» .

La dissonance de l'Allemagne avec les choix hexagonaux dépasse la seule question des droits fondamentaux. Pour nos voisins, il est hors de question «d'appliquer les mécanismes du monde analogique au monde numérique» , tout simplement parce que le système de droits d'auteurs actuel est désuet. A contre-courant des pratiques développées sur Internet, les ayants droit sont contraints de s'adapter, car le gouvernement allemand ne veut pas « créer un hôpital pour ces business models, leur temps est écoulé » .

Dans le même temps, l'Allemagne n'envisage pas la suppression pure et simple des droits d'auteurs. Quel est alors le remède miracle ? Si la coupure de l'accès à Internet est donc exclue, l'envoi de lettres d'avertissement devrait pour sa part être envisagé. Exit la répression, bonjour «l'éducation» : pour la ministre fédérale de la justice, ces messages devraient avoir un impact didactique sur les internautes accusés d'avoir enfreint la loi. A cheval sur la protection de la vie privée , l'Allemagne insiste néanmoins sur le fait « qu'un tel système d'avertissement ne sera viable que s'il est techniquement possible de le mettre en place sans aucun contrôle du contenu et sans enregistrer de données » , indique Billboard.biz , relayé par Pc Inpact .

Déjà en 2009, et à de nombreuses reprises, l'Allemagne prenait ses distances avec la riposte graduée. En février , la ministre fédérale de la justice de l'époque, Brigitte Zypries, déclarait: « Je ne crois pas que "Olivennes" soit un modèle pour l'Allemagne, voire de pour toute l'Europe » . En octobre , rebelote: la coalition fraîchement élue indiquait que dans les quatre ans à venir, riposte graduée ou assimilés ne seraient pas au programme.

Outre-Rhin néanmoins, une nouvelle sanction s'approche de la recette française. Le mois dernier, un internaute a été condamné pour ne pas avoir assez sécurisé sécurisé sa connexion Wi-Fi. Une imprudence qui a mené au téléchargement illégal d'une œuvre musicale, et passible de 100 euros d'amende pour la Cour fédérale allemande. Dans sa déclaration, la plus haute juridiction rhénane a établi l'obligation, pour les internautes, de protéger l'accès à leur réseau Wi-Fi par un mot de passe «suffisamment long, sûr et personnel» , indique Le Monde .

En France, rappelons que l'Hadopi, qui peine à se mettre en place , prévoit effectivement de sanctionner la «négligence caractérisée» de l'internaute et non l'acte de téléchargement illégal en tant que tel. Mais si l'Allemagne a importé ce principe, la sanction infligée n'est en rien comparable à l'ampleur d'une disposition comme l'Hadopi.

Notons que dans son discours, la ministre allemande relevait le manque d'implication de l'Union Européenne pour trouver un système harmonisé de droit d'auteurs. « Pour l'instant, la Commission Européenne n'a agi que très occasionnellement, en recommandant que les ayants droit vendent des licences pour l'exploitation de leur musique en ligne» , a regretté Sabine Leutheusser-Schnarrenberger. Et la césure franche qui divise le couple franco-allemand sur ce sujet ne devrait en rien faciliter les discussions.

Lire les réactions à cet article.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique

Les plus lus