L’Allemagne perd son «Financial Times»

par Nathalie Versieux
publié le 23 novembre 2012 à 10h40

Gruner+Jahr tourne le dos à l'économie. Le puissant groupe de presse allemand, filiale de Bertelsmann, s'apprête à fermer le quotidien économique en langue allemande Financial Times Deutschland ( FTD ). L'éditeur cherche par ailleurs un repreneur pour les magazines Impulse et Börse Online; plusieurs candidats seraient sur les rangs, selon le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung .

Le groupe attend pour cette année 15 millions d'euros de pertes de sa division presse économique, dont 10 millions pour le seul FTD . Créé en 2000 en association avec Pearson qui édite le FT original pour concurrencer le géant du créneau Handelsblatt , le Financial Times Deutschland n'a plus aucun lien avec son homonyme britannique. Entièrement passé sous la coupe du groupe allemand en 2008, le FTD n'est jamais sorti du rouge, et aurait cumulé plus de 250 millions d'euros de pertes, pour une diffusion s'élevant à 102000 exemplaires, selon les chiffres du troisième trimestre 2012. Impulse (81000 exemplaires vendus) et Börse Online (57000) souffrent également d'un recul des ventes et des recettes publicitaires. Le Frankfurter Allgemeine Zeitung . affirme que le FTD cessera de paraître le 7 décembre prochain. Et que 320 des 350 journalistes du pôle de presse économique seront licenciés d'ici janvier: 40 millions d'euros auraient d'ailleurs été provisionnés en vue du plan social. Hier, le comité d'entreprise de G+J s'est dit «déçu» de la direction, mettant en cause sa «compétence» . Sur son site, le FTD publiait des courriers de soutien de ses lecteurs sous le titre «S'il vous plaît, continuez !»

Capital -- un hebdomadaire diffusé à 165000 exemplaires, rien à voir avec son cousin français édité par la filiale Prisma Presse -- est épargné, mais devra déménager de Hambourg à Berlin et sera repositionné afin d'affronter la concurrence de Wirtschaftswoche et de Manager Magazin . Gruner + Jahr est l'un des plus grands éditeurs d'Europe, avec 2,3 milliards d'euros de chiffre d'affaires : 74,9% du capital de G+J appartiennent à Bertelsmann ; le reste à l'entreprise familiale de Hambourg Jahr, qui détient une minorité de blocage de 25,1% au sein de la filiale.

La presse économique allemande subit de plein fouet les contrecoups de la crise financière: compagnies d’assurance, banques et investisseurs ont considérablement réduit leur volume d’investissements publicitaires dans un contexte de chute du lectorat, et de concurrence des médias numériques.

Paru dans Libération du 22 novembre 2012

De notre correspondante à Berlin

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