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Libération
Critique

«L’Apocalypse», plutôt cathodique

Doc. Suite de la série sur le christianisme de Mordillat et Prieur, qui se penchent pour Arte sur le dernier livre du Nouveau Testament.
par Catherine Calvet et Béatrice Vallaeys
publié le 3 décembre 2008 à 6h51

Gérard Mordillat et Jérôme Prieur sont-ils des saints ? Certainement pas, mais la curiosité et la rigueur intellectuelles dont ils font preuve depuis douze ans dans leur travail forcent le respect : après Corpus Christi (1997) et l'Origine du christianisme (2004), ils nous offrent une nouvelle série documentaire, consacrée cette fois à l'Apocalypse.

Contradictions. Ecrivains et cinéastes, Mordillat et Prieur n'ont pas ce que l'on appelle la foi. S'ils tentent de comprendre les secrets de fabrication du Nouveau Testament, c'est en hommes soucieux de montrer les contradictions innombrables entre les Evangiles et l'histoire. Comment ? En interrogeant 50 chercheurs, experts en théologie, historiens des religions, ecclésiastiques, qu'ils sont allés chercher partout dans le monde et qu'ils nous demandent d'écouter. Pour nous faire une religion ? Bon Dieu non… Plutôt une opinion, reposant sur une connaissance, tant il est vrai qu'en la matière, l'authenticité est illusoire, le doute entier.

C’est le mérite de ces deux enquêteurs pugnaces : rendre passionnante une discussion qu’on imagine sans fin, en douze émissions de 52 minutes où la parole des uns et des autres s’entend comme une somme d’hypothèses, jamais de certitudes. Fidèles à leurs précédentes séries, Mordillat et Prieur ont privilégié l’austérité de l’image - les interlocuteurs plein écran, la caméra explorant des textes anciens - pour mieux insister sur la nécessité du langage, des mots, qui ont parfois perdu leur sens initial. «Apocalypse» est de ceux-là : l’Apocalypse, écrite par Jean, signifie la Révélation (tant attendue après la fin des temps) et non pas l’actuelle épouvantable catastrophe.

C'est à partir de cette Apocalypse, dernier livre du Nouveau Testament, que Mordillat et Prieur appuient leur enquête sur la christianisation de l'Empire romain. «Comment et pourquoi l'attente imminente de la fin des temps qui anime une petite secte juive de disciples de Jésus a-t-elle pu, en à peine plus de trois cents ans, aboutir à la religion officielle et unique de l'Empire romain ?» résument-ils.

Querelle. Vaste programme qui met en scène un «triangle» : la société païenne, la Synagogue (dans l'antiquité, on parle de synagogue pour qualifier une communauté juive plus que son temple) et la société chrétienne (nommée Eklezia). Un triangle infernal en perpétuelle concurrence politique, qui ne cesse de se combattre à coups de bourreaux et de martyrs (volontaires ou non) et d'atrocités en tous genres. Quant aux rivalités et disputes théologiques, dont le Nouveau Testament est le meilleur témoin historique, elles apparaissent clairement pour ce qu'elles furent au commencement : une violente querelle interne au judaïsme. Au fil des siècles, l'antijudaïsme théologique s'est mué en antisémitisme racial. Mais ça, c'est encore une autre histoire.

A lire, samedi dans Libération, un entretien avec Gérard Mordillat et Jérôme Prieur.

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