L'Australie en route vers «un Internet plus sûr»

par Astrid GIRARDEAU
publié le 20 novembre 2008 à 17h01
(mis à jour le 20 novembre 2008 à 18h53)

L'Internet serait-il en train de connaître ses derniers jours tranquilles (et libres) en Australie ? Depuis des mois, le gouvernement travailliste actuellement au pouvoir s'active à la mise en place d'un système de filtrage au niveau des fournisseurs d'accès à Internet (FAI). La raison est d'empêcher ses enfants de tomber sur des contenus «dangereux et inappropriés» , et accessoirement tous ses citoyens d'accéder à des contenus illégaux. Des premiers tests pilote devraient être mis en place d'ici la fin de l'année.

Bien que prévu depuis 2007 et budgété à hauteur de 150 millions de dollars (120 millions d'euros), le projet reste secret dans les détails. Et donc d'autant plus contesté par l'opinion publique et les associations de défense des consommateurs, mais aussi par de nombreux politiciens et médias. Et comme c'est le cas en France , par les FAI elles-même qui jugent le projet techniquement et économiquement irréalisable. Aussi, depuis plusieurs mois, l'organisation Electronic Frontiers Australia (EFA) a monté un mouvement, No Clean Feed pour informer et agir contre ce qu'elle considère comme la mise en place d'un système de censure d'Internet.

L'idée du Ministre des Communications et de l'Economie numérique, Stephen Conroy, est d'obliger les FAI à bloquer une liste noire, tenue secrète de sites. Une liste qui serait établie par une autorité gouvernementale, l' ACMA (Australian Communications and Media Authority). «Internet est un merveilleux outil qui apporte des avantages pour un nombre croissant de familles australiennes, mais le gouvernement veut trouver des moyens de le rendre plus sûr» , annonçait en août dernier le ministre. Un discours qui n'est pas sans rappeller les différents projets en France, la Charte dite de Confiance en ligne et autres systèmes de filtrage soutenus par Nadine Morano, secrétaire d'Etat en charge de la Famille, et Michèle Alliot-Marie, ministre de l'Intérieur.

Que contiendra cette fameuse liste ? C'est l'une des grandes interrogations. Interrogé le 11 novembre dernier par un sénateur Vert sur la question, Conroy a répondu : les «tests pilote filtreront les contenus interdits sur Internet de la liste noire d'ACMA, essentiellement de la pédo-pornographie, mais aussi d'autres contenus indésirables.»

Si le filtrage à destination des enfants pourra être désactivé, le filtrage des autres contenus sera lui obligatoire sur tous les postes du pays. Selon l'Electronic Frontiers Australia, hormis un coût exorbitant, et un système voué techniquement à l'échec -- car impossible à mettre en place, et très facilement détournable --, ils déplorent que cela devrait ralentir en moyenne le débit d'Internet de 30%. De plus, selon les premiers essais, environ 10000 pages web sur un million seraient bloquées par erreur. L'organisation craint également pour la liberté d'expression, et redoute les conséquences à terme.

«Une fois que le public a accepté la mise en place d'un tel système, il est beaucoup plus facile de bloquer d'autres contenus» , s'inquiète Dale Clapperton, président de l'EFA.

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