L’Europe de la culture au rayon du virtuel

Web . Bruxelles inaugure sa bibliothèque numérique.
par Frédérique Roussel
publié le 20 novembre 2008 à 6h51

La Divine Comédie de Dante près de la Jeune Fille à la perle de Vermeer et non loin des manuscrits de Mozart. Des livres, des peintures, des images et des sons, rassemblés en un même lieu, où le visiteur peut passer de l'un à l'autre. C'est une bibliothèque un peu particulière qu'ambitionne d'offrir le patrimoine européen en ligne.

Baptisée Europeana par la grâce de la France, la bibliothèque numérique européenne (www.europeana.eu) est inaugurée aujourd'hui à Bruxelles par Viviane Reding, la commissaire européenne chargée de la société de l'information et des médias. Les 27 pays membres participent à cette Babel virtuelle, dont le prototype propose 2 millions d'œuvres numérisées en 22 langues. «Un point de départ, se félicite Bruno Racine, le président de la Bibliothèque nationale de France (BNF), qui souligne «l'aboutissement d'une volonté politique».

Croisade. La France a en effet joué un rôle moteur. L'annonce de Google, fin 2004, de vouloir numériser des millions de livres pour les rendre accessibles aux internautes du monde entier avait incité le président de la BNF de l'époque, Jean-Noël Jeanneney, à monter au créneau contre une initiative jugée commerciale et par trop américaine. Il ne fallait pas laisser l'ogre Google s'accaparer le savoir sans réagir. Belle croisade politique menée de Paris, qui avait poussé Chirac à porter l'affaire sur le bureau de l'Europe.

Cette mobilisation débouche enfin, près de quatre ans après l’offensive du moteur de recherche américain, sous la forme d’Europeana. La France, qui a lancé sa version en ligne de la BNF, Gallica, en 1996, apparaît comme le plus gros contributeur. Passée à une numérisation de masse, Gallica 2 compte à ce jour plus de 370 000 documents (livres fascicules, images, périodiques, cartes…). Avec 2 millions d’objets inclus dans Europeana, le résultat paraît encore modeste.

Multilinguisme. Dans l'intervalle, Google a noué des partenariats avec des bibliothèques et des éditeurs, dont la bibliothèque municipale de Lyon, pour revendiquer aujourd'hui 7 millions de livres numérisés. La visée est d'atteindre au moins 10 millions d'œuvres. Une paille par rapport aux 2,5 milliards de livres que comptent les bibliothèques européennes. Mais la numérisation n'est pas une mince affaire. Pour atteindre l'éther virtuel, les objets culturels doivent passer par un processus lourd et onéreux. Microsoft, qui avait entamé fin 2006 son propre projet, a jeté l'éponge au bout d'un an et demi. Le vrai challenge d'Europeana sera d'imaginer des modes d'organisation du savoir. «L'imprimerie ne fut pas seulement un mode de production plus efficace que le manuscrit, explique Bruno Racine. Elle a donné naissance à des outils nouveaux, comme un index et une table des matières. Avec Internet, il faut aussi mettre au point les outils de la pensée de demain.»

Parallèlement à Europeana, Bruxelles va ainsi investir 120 millions d’euros au total sur 2009 et 2010 pour améliorer les technologies de numérisation, et 40 millions dans les techniques du multilinguisme comme la traduction automatique. En plus du lancement de la «fusée européenne», Paris a commencé à travailler sur une bibliothèque numérique de France.

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