L'Hadopi en pleine forme (selon l'Hadopi)

par Erwan Cario
publié le 29 septembre 2011 à 17h47
(mis à jour le 1er octobre 2011 à 12h58)

Le lieu s’appelle le Tapis Rouge, près de la gare de l’Est à Paris. Il fallait sans doute ça pour donner à l’événement un peu de solennité et d’importance, qu’on a eu du mal à déceler dans les faits. La Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) a présenté ce jeudi matin son premier rapport d’activité depuis sa mise en place officielle début 2010. Marie-Françoise Marais, la présidente, a donc, comme attendu adressé un grand satisfecit à ses troupes (70 personnes prévues pour début 2012) et égrené les motifs de satisfaction sur les deux missions principales de l’autorité : la réponse graduée pour lutter contre le piratage et le développement de l’offre légale sur Internet.

La réponse (précédemment appelée «riposte», mais ça devait sembler un poil trop agressif), graduée donc, est, selon Marais, «une réalité qui fonctionne et qui est acceptée par les internautes» . Les derniers chiffres à la fin septembre concernant le dispositif en trois étapes ont été donnés par Mireille Imbert Quaretta, présidente de la Commission de protection des droits (CPD), sorte de bras armé d'Hadopi : 650000 premières recommandations par mail envoyées, 44000 deuxièmes avertos, par mail et courrier recommandé avec accusé de réception et, pour les internautes récalcitrants, 60 dossiers en instance pour la troisième étape. Cette dernière, qui met un juge dans la boucle (jusqu'à 1500€ d'amende et un mois de coupure de connexion Internet), n'a donc pas encore été inaugurée, mais devrait l'être avant la fin de l'année.

Concernant l'offre légale, Marie-Françoise Marais s'est surtout concentrée sur le système de labellisation «PUR» mis en place à la fin du premier semestre 2011. Aucune mention par exemple de la carte musique jeune lancée en grande pompe en novembre 2010 par le ministre de la Culture et d'une efficacité toute relative. La présidente de l'Hadopi a par ailleurs annoncé le lancement du portail de référencement des offres tant attendu (par qui? mystère) pour la fin de l'année. Prochaine étape et grand chantier de 2012 : «Accompagner les titulaires de droits dans la compréhension des besoins de leur public» . C'est une des missions, très marketing pour le coup, assignées au "labs", ces ateliers de réflexion composés d'experts indépendants ( «enviés à l'international» , bien sûr) censés montrer l'ouverture de la Haute autorité. C'est d'ailleurs sur cette notion d'ouverture qu'il y a eu ce qui est sans doute le glissement rhétorique le plus intéressant. À sa création, l'Hadopi se targuait régulièrement d'être une instance ouverte au dialogue. Aujourd'hui, tout discours critique est par avance disqualifié. C'est écrit noir sur blanc dans le rapport à propos de la campagne publicitaire très controversée de juin dernier : «Une minorité active qui s'estime devoir être en opposition frontale avec l'institution, revendique le droit de ne pas respecter la loi et s'oppose avec virulence aux moindres faits et gestes de la Haute Autorité» . À quoi bon discuter, du coup ?

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