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Libération

L’Internet, sortie de crise et solidarité

Tribune de Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’Etat chargée de la Prospective et du Développement de l’économie numérique.
par Nathalie Kosciusko-Morizet
publié le 11 mai 2009 à 18h17

Le numérique sera dans les prochains mois un levier majeur de la sortie de crise pour notre pays. Le secteur de l’économie numérique est l’un des plus dynamiques de l’économie mondiale, et les outils qu’il produit sont un moyen de modernisation et de rationalisation.

Le numérique n’est pas seulement un ­levier économique, il est aussi, à travers Internet, un outil de médiation sociale sans équivalent. Nous devons nous en servir au mieux pour réduire la «fracture numérique», qui est l’un des noms et l’un des indices de la fragilité sociale, et pour préparer l’avenir, au-delà même de la sortie de crise.

Le développement de l’économie numérique, dont j’ai la responsabilité au sein du gouvernement, n’a de sens que si les contenus et les usages, qui sont la finalité du développement technologique, sont conçus à l’avantage de tous les citoyens. Voilà qui exige que les technologies soient mises au service d’un développement durable et d’un effort de solidarité d’autant plus impérieux que les temps sont durs. Si l’heure est à l’économie solidaire, je tiens qu’elle l’est également à l’économie numérique solidaire.

En temps de crise, le devoir de l’Etat social est de venir en aide aux citoyens les plus démunis, et d’encourager la complémentarité des solidarités publiques et privées. L’économie solidaire offre un secours d’urgence, en même temps qu’elle s’efforce de renforcer un lien social distendu ou menacé : ceux qui en bénéficient doivent être informés des recours, des aides ou des perspectives auxquels ils ont droit. Il leur faut donc accéder à des informations pertinentes : l’outil numérique est devenu indispensable. En outre, ils doivent être accompagnés pour que l’aide momentanée dont ils bénéficient reste une aide momentanée, c’est-à-dire une étape dans un processus qui saura leur permettre de renouer avec le travail et le bien-être.

L’Internet a un rôle majeur à jouer, parce qu’il est désormais le vecteur privilégié d’une nouvelle solidarité publique et privée, qui peut s’appuyer sur des initiatives de grande envergure.

Les entreprises et les associations qui sont fédérées sous le label Ordi 2.0, emploient des salariés qui dépannent et reconditionnent du matériel informatique. Elles créent ainsi des emplois et redistribuent de l’équipement. Nous devons les aider et mieux les faire connaître, tout comme nous devons attirer l’attention du public sur les sites «solidaires» dont l’efficacité et la déontologie nous paraissent remarquables, ou bien encore sur les sites commerciaux qui sont des vecteurs d’entraide ou d’économie à la consommation.

La solidarité numérique exige d’abord que tous les foyers aient accès à l’Internet. Si le développement des logements sociaux est bien une priorité aujourd’hui, alors nous devons équiper ces logements, et faire que leurs habitants y trouvent d’emblée la commodité essentielle qu’est devenu l’accès à Internet.

Les opérateurs sont attentifs à cette nécessité et certains d’entre eux proposent depuis peu des offres à bas coût pour les logements collectifs ; nous devons les inciter à multiplier ces offres collectives, et c’est à quoi je m’emploierai en réunissant prochainement l’ensemble des acteurs pour poursuivre ce processus d’équipement des logements sociaux, qui accueillent aujourd’hui environ 10 millions de Français. Nous en débattrons également dans le cadre de «l’Atelier de l’économie numérique solidaire» le 28 mai.

Bien entendu, l’équipement des logements n’a de sens que si tous les Français, où qu’ils se trouvent, puissent en bénéficier. La solidarité ne saurait s’accommoder de lacunes territoriales au moment où nous nous proposons d’en finir avec les «zones blanches» et d’équiper l’ensemble du territoire pour l’année 2012. Les Etats-unis s’apprêtent à consacrer 37 milliards de dollars au développement des nouvelles technologies, soit près de 5 % du plan de relance annoncé par le président Obama. C’est un choix d’avenir créateur d’emplois : nous devons nous en inspirer.

La solidarité numérique exige ensuite un accompagnement social sur l’ensemble du territoire. Les lieux d’accès et d’initiation aux usages de l’Internet que sont les Espaces publics numériques ont en la matière un rôle solidaire considérable à jouer. Ils ont vocation à accueillir tous nos concitoyens qui peuvent y mener des formalités administratives ou des recherches d’emplois, à les informer pour leur permettre d’effectuer ainsi eux-mêmes leurs propres démarches. L’accélération du développement de ces espaces, qui contribuent à la formation et à l’insertion, est une nécessité.

La solidarité ne consiste pas à simplement venir en «aide», ni même à «donner» à ceux qui sont dépourvus. Ne la confondons pas, de grâce, avec le secours caritatif qui est d’un tout autre ordre. Etre solidaire consiste à donner des outils et à enseigner leurs usages à ceux qui en ont besoin pour agir. Nous devons encourager nos concitoyens à faire usage des Espaces publics numériques, leur permettre de s’équiper en outils numériques et poursuivre à grands pas le développement des réseaux sur l’ensemble du territoire. Ce sont les trois conditions d’une solidarité numérique digne de ce nom, et trois mesures d’avenir pour notre pays.

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