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Libération

« L'accès à Internet ne peut pas être refusé en tant que sanction»

par Astrid GIRARDEAU
publié le 24 février 2009 à 18h33
(mis à jour le 24 mars 2009 à 10h31)

«Considérant que l'"e-illettrisme" sera l'illettrisme du 21e siècle; considérant que garantir l'accès de tous les citoyens à Internet équivaut à garantir l'accès de tous les citoyens à l'éducation et considérant qu'un tel accès ne devrait pas être refusé comme une sanction par des gouvernements ou des sociétés privées, considérant que cet accès ne devrait pas faire l'objet d'abus dans la poursuite d'activités illégales...» . Cette attaque de plein fouet contre le projet de loi Création et Internet, et son système de riposte graduée, est tirée d'un rapport voté à l'unanimité, la semaine dernière, à Bruxelles, par les 44 membres de la commission des Libertés civiles, de la Justice et des Affaires intérieures (LIBE).

Présenté par le député social-démocrate grec Stavros Lambrinidis, ce rapport, dont nous nous sommes procurés la version consolidée, vise un certain nombre d'objectifs : renforcer la lutte contre la cybercriminalité, garantir un meilleur respect des libertés fondamentales, et notamment de la vie privée des internautes européens en limitant leur surveillance et le contrôle de leurs usages, mais aussi garantir à tous le

le droit d'accéder à un ordinateur et à Internet.

Dans la partie sur les Droits Fondamentaux sur Internet, on peut ainsi lire :

«De même que chaque enfant a droit à l'enseignement, et chaque adulte à la formation permanente, chaque individu tout au long de sa vie devrait avoir le droit d'accéder à l'ordinateur et à Internet. Les gouvernements devraient garantir un tel accès, même dans les régions les plus éloignées et pour les citoyens les plus pauvres. En outre, cet accès ne doit pas être refusé en tant que "sanction" contre les infractions des citoyens. Les hommes de tous horizons, de toutes régions et de toutes cultures devraient pouvoir profiter du large éventail de services offerts par Internet. Ainsi ils pourront poursuivre leur développement personnel, nouer des relations éducatives, professionnelles et personnelles et explorer des possibilités économiques dans toute la mesure offerte par nos technologies et nos lois.»

La référence a la sanction vise clairement la coupure de l'accès à Internet prévue dans le cadre du projet de loi Création et Internet qui va être débattu à l'Assemblée Nationale dans tout juste deux semaines. Et, à Bruxelles, ces affirmations ont d'autant plus de poids que Lambrinidis est reconnu internationalement pour ses qualités de juriste, et que la commission LIBE est compétente pour toutes les questions touchant à la justice, aux affaires intérieures et à la sécurité.

Le rappel de l'accès à Internet comme un droit fondamental fait écho à l' amendement 138 du Paquet Télécom déposé par des eurodéputés Guy Bono, Daniel Cohn-Bendit, et Zuzana Roithová, et qui, écarté par le Conseil des ministres , devrait réapparaître en avril, lors de la seconde lecture du texte. «Tous les amendements pro riposte gradués qui avaient été déposés par les eurodéputés de la majorité ont été retoqués lors du vote en commission LIBE du 17 février , nous précise par ailleurs Guy Bono. Ce qui démontre une fois de plus deux choses: Premièrement, que la France elle même n'est pas si sûr de la légalité de son projet de loi au regard du droit communautaire, et deuxièmement, que le Parlement européen est définitivement opposé aux principes de riposte graduée et de filtrage généralisé prônés par les autorités françaises» .

Le rapport estime également qu'il «est important de se pencher sur les questions émergentes telles que la neutralité des réseaux, l'interopérabilité, l'accessibilité globale de tous les nœuds internet et l'utilisation de formats et de normes ouverts.»

Par contre, s'il interdit «le contrôle et la surveillance systématiques de toutes les activités des utilisateurs sur Internet» , par exemple dans le cadre de la protection des droits de propriété intellectuelle, il incite les Etats membres à adopter la directive IPRED 2. Soutenu notamment par l'eurodéputée Janelly Fourtou, épouse du président du conseil de surveillance de Vivendi Universal, ce texte vise à renforcer les sanctions pénales contre la contrefaçon, par exemple «contre la violation de plus en plus systématique du droit d'auteur par certains utilisateurs de l'Internet» , expliquait son rapporteur, Nicola Zingaretti en février dernier.

Selon nos sources, le rapport de Stavros Lambrinidis devrait être maintenant passer en séance plénière, au Parlement Européen, dans la semaine du 23 mars.

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