L’école des «fan films»

«Robocop vs Predator», Batman version «Sin City», les projets pullulent.
par Alexandre Hervaud
publié le 27 avril 2009 à 10h02
(mis à jour le 27 avril 2009 à 10h02)

«Robocop n'est pas mort, et pour son retour, il a choisi Vaulx-en-Velin. Tapi dans l'ombre, le Predator s'apprête à attaquer. La lutte s'annonce sans merci.» En novembre, les téléspectateurs de France 3 Rhône-Alpes ont été gâtés : un reportage était consacré au projet un peu fou de fans et de collectionneurs du cru : réaliser, en amateur, un court métrage avec deux des icônes du cinéma fantas­tique des années 80, avec à leur disposition une quantité d'accessoires impressionnante. Le Paul Verhoeven rhodanien s'appelle Julien Dumont. C'est à lui qu'incombe la mission de diriger une admiratrice dans le costume de Robocop – en réalité une réplique à sa taille, la demoiselle mesurant 1 m 54.

Robocop vs Predator - DR

Ce genre d'initiative n'a rien d'extraordinaire. La réalisation de fan films, ces créations d'admirateurs qui s'approprient un univers préexistant (film, comic book, série TV), ne date pas d'hier, mais les nouveaux moyens de diffusion sur le Web (YouTube, MySpace…) leur donnent une visibilité accrue. Contrairement aux films «suédés» popularisés par Michel Gondry (remake de films avec les moyens du bord), les fan films sont des œuvres originales et pas nécessairement parodiques.

L'appétit de Hollywood pour toutes les franchises de super-héros a donné des idées aux aficionados, comme les Français Julien Mokrani et Samuel Bodin. Leur Ashes to Ashes , étonnante relecture de Batman qui sera disponible sur la Toile en juillet, est un court métrage de 17 minutes. L'univers du Chevalier noir y est recréé avec le look du Sin City de Frank Miller. Situé en 1938, leur film est parcouru de visions dantesques d'un Gotham City rongé par le crime, défendu par un Batman enragé et revanchard.

Presque trois ans après un tournage marathon en Touraine, les deux réalisateurs sont fiers de leur bébé, qu'ils présenteront à Cannes pour démarcher des producteurs. Comment ont-ils pu mettre en œuvre de telles ambitions visuelles ? «Le film a été financé avec des souscriptions par Internet et quelques partenaires privés» , explique Julien. Quant au choix du super-héros multiadapté, il faut savoir se faire plaisir : «On avait fait pas mal de courts métrages avant, mais quitte à perdre du fric, autant le faire pour quelque chose qui nous branche.» Et qui peut surtout brancher des millions d'autres fans, le potentiel pour un tel projet d'être vu était forcément supérieur à un court lambda . L'objectif «carte de visite» est assumé. «C'est un super moyen de se faire remarquer, mais ça donne aussi beaucoup plus de pression, de s'attaquer à un mythe pareil.» Et ça marche, puisque les deux compères, encensés par leur compatriote Louis Leterrier (réalisateur de l'Incroyable Hulk ), ont plusieurs projets de longs métrages dans leur besace.

Comme pour le cinéma traditionnel, en matière de fan films, il y a les outsiders qui sortent de nulle part et les blockbusters du genre attendus de pied ferme. The Hunt for Gollum en est clairement un. Ecrit et réalisé par Chris Bouchard, ce moyen métrage de 40 minutes tourné au pays de Galles est une adaptation de Tolkien. On y retrouve des personnages du Seigneur des anneaux , et les premières images font baver. Cette chasse en Terre du Milieu sera téléchargeable gratuitement dès le 3 mai et diffusée par son partenaire, le frenchy Dailymotion. Monté avec peu de moyens, le film s'est fait de manière collaborative : amateurs complets, étudiants en cinéma et professionnels avertis ont prêté main-forte pendant le tournage débuté en 2007.

The Hunt for Gollum - DR

Comme tous les fan films, le réalisateur a travaillé bénévolement et sans aucune autorisation des ayants droit de Tolkien, alors même qu'une adaptation du Hobbit par Guillermo Del Toro ( Hellboy ) se prépare en Nouvelle-Zélande. Les studios sont généralement conciliants. D'une part parce qu'attaquer un fan film reviendrait à se mettre à dos une base non négligeable du public. De l'autre, parce que ces productions maintiennent et attisent l'intérêt des spectateurs, les mêmes qui remplissent sans broncher les salles quand leurs «vrais» films sortent.

Paru dans Libération du 25 avril 2009

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