L'économie numérique, version plan-plan

par Astrid GIRARDEAU
publié le 20 octobre 2008 à 17h50
(mis à jour le 21 octobre 2008 à 8h38)

Repoussé d'une semaine pour cause de crise financière internationale, le plan 2012 (pdf) de développement de l'économie numérique a finalement été présenté ce matin. Une annonce pas vraiment spectaculaire pour un projet qui vise à «replacer la France parmi les grandes nations numériques à l'horizon 2012» . Déjà que son contenu était déjà largement connu depuis une semaine, le président Nicolas Sarkozy a, au dernier moment, annulé sa venue. La présentation a donc finalement été assurée par Eric Besson, le secrétaire d'Etat au Développement de l'économie numérique, qui travaille sur le dossier depuis quatre mois dans le cadre des Assises du numérique .

Haut-débit pour tous, développement de la TNT et du secteur du jeu vidéo, équipement informatique des écoles primaires, encouragement du télé-travail, il y a un peu à boire et à manger dans l'ensemble des 154 actions présentées ce matin. Les objectifs sont quadruples : permettre un accès à tous aux réseaux numériques, développer la production et l'offre de contenus numériques, diversifier le les usages et services numériques, et enfin rénover la gouvernance de l'économie numérique. La présentation devait être accompagnée du lancement du site francenumerique2012.fr , actuellement inaccessible.

Considérant qu «'il y a entre deux et quatre millions de français durablement exclus de la société de l'information» , le gouvernement souhaite tout d'abord que chaque français puisse avoir accès au haut débit. Aussi, un appel à candidature devrait être lancé auprès d'opérateurs en 2009 pour la fourniture d'une prestation dite d'accès universel à Internet haut débit (supérieur à 512 kbits/s) à moins de 35 euros par mois (quand même). Elle devrait concerner 100% des français d'ici la fin 2010. «Chaque Français pourra ainsi exercer son droit à Internet haut débit auprès des opérateurs sélectionnés.» Concernant le très haut débit (fibre optique), le plan prévoit 10 milliards d'euros d'investissement pour 4 millions d'abonnés d'ici 2012.

Autre point, le passage à l'audiovisuel tout numérique d'ici novembre 2011. Le plan prévoit qu'une partie des fréquences hertziennes sera affectée à l'accès Internet haut débit mobile, les autres seront mises en vente courant 2009. Le prochain appel à candidatures relatif aux fréquences pour la téléphonie mobile 3G sera lui lancé début 2009. Rien de concret à propos de la quatrième licence de téléphonie mobile, tant convoitée par le fournisseur d'accès Free.

Quand on passe au chapitre sur le développement de la production et des contenus numériques, comme on pouvait s'y attendre, on y parle plus de protection que de création. Toute une partie est consacrée au marquage et à l'empreinte des œuvres protégées avec l'idée de créer une base de données nationale, voire européenne ou internationale, d'empreintes numériques. Selon le plan, cela devrait «induire une raréfaction des copies illicites en libre accès» , et «contribuer à l'assainissement des pratiques» . Les pratiques des internautes français, ça va de soi.

A propos des DRM, la position du gouvernement est plus que difficile à suivre. Après avoir rappelé que l'apport de ces verrous numériques depuis une dizaine années dans la distribution de la musique en ligne «laisse circonspect» , et qu'ils n'ont «pas atteint leur objectif» et sont surtout vécus comme «une nuisance» par les consommateurs, le plan déclare qu'il va donc jeter à la poubelle les DRM «bloquants» pour les remplacer par des DRM «inter-opérables» qui, selon lui, sont indispensables: «En effet, les DRM sont les seuls à même de faire respecter la chronologie des médias et les fenêtres d'exploitation successives, dont dépend le financement de toute l'industrie de contenus filmés.»

Si le gouvernement ne veut pas remettre en cause le statut des hébergeurs de contenus, tels que définis par la LCEN (Eric Besson s'y était lui-même engagé en avril dernier ), il est cependant jugé «primordial que des services reposant sur des contenus sous droit et ceux reposant sur des contenus communautaires relèvent de statuts différents» . Le texte invite lourdement à «responsabiliser les prestataires de services d'hébergement» et annonce la mise en œuvre d'une charte d'engagement réciproque entre les ayants droit et les acteurs du web.

Mais déjà quelques voix s'élèvent pour critiquer le manque d'ambition du plan. Pour Christian Paul , député PS de la Nièvre, et vice-président de Groupe d'études sur l'internet, l'audiovisuel et la société de l'information, «le plan numérique dévoilé le 20 octobre est un long catalogue sans

moyens, élaboré au terme d'un simulacre de concertation. On y recycle

une bonne part des actions menées depuis 10 ans. Il y manque l'essentiel pour l'avenir, et la méthode condamne la France à l'impuissance dans les principaux chantiers de son avenir numérique. La déception est à la hauteur des enjeux.»

«L'accès à Internet haut débit est devenu une condition essentielle d'accès à l'information, à l'éducation, à la formation, aux loisirs, aux services administratifs» . Tout au long de ses quatre-vingt pages, le plan rappelle à quel point le numérique est aujourd'hui indispensable aux citoyens et à l'économie française. Une réalité qu'il est difficile à associer avec, par exemple, le retour en force des DRM. Et, faut-il le rappeler, la présentation prochaine devant le Sénat d'une loi qui prévoit de défendre les intérêts de la filière musicale en menaçant de couper l'accès à Internet.

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