L’eldorado perdu de la télé mobile

MIP. Le développement de la TMP est au point mort en France.
par Raphaël GARRIGOS et Isabelle ROBERTS
publié le 16 octobre 2008 à 6h51

Il en va de la télé sur mobiles comme des petits hélicoptères. On nous l'avait promis : bientôt, très bientôt, on ferait un créneau avec son hélico personnel pour se garer devant le boulot le matin. Et bientôt, encore plus tôt, on regarderait tous en chœur Des chiffres et des lettres sur nos téléphones mobiles. Eh bien, on va toujours au boulot à pinces et Des chiffres et des lettres, c'est sur le vieux poste de Mémé qu'on se les coltine. Car oui, la TMP - pour télévision mobile personnelle - pour l'instant, c'est de la science-fiction.

Délai. Même le MIP (Marché international des programmes) à Cannes, qui consacrait ces dernières années une journée entière de conférences et screenings à la télé sur mobile, la délaisse. Désormais c'est à la vidéo sur Internet qu'on déroule le tapis rouge (lire ci-contre). Pourtant en mai dernier, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) sélectionnait 13 chaînes pour la TMP : du classique (TF1, M6, Canal +), du connu sur la TNT (BFM TV, NRJ 12, W9…) ou du plus baroque, avec EuropaCorp TV, pondue par Luc Besson. Problème : à ce jour, seule BFM TV a signé sa convention, soit le contrat qui la lie avec le CSA et fixe ses obligations. Toutes les autres estiment qu'il est urgent d'attendre et ont demandé un délai au CSA. Du coup, le lancement de la TMP, prévue un temps pour mi 2008, puis pour décembre 2008, serait repoussée à fin 2009. Au mieux.

Au cœur du blocage : les discussions entre les chaînes et les opérateurs de téléphonie. Car la TMP, qui passe par le réseau hertzien comme la TNT, nécessite beaucoup d'émetteurs et a le mauvais goût de coûter cher : 3,5 millions d'euros par chaîne et par an pour couvrir seulement 30 % de la population dans un premier temps. Et les chaînes voudraient, selon la Tribune, que les opérateurs de téléphonie payent 87 % de ce nouveau réseau de diffusion. Leur argument : la TMP va leur apporter de nouveaux clients et leur permettre de libérer leur propre réseau qui est saturé. En effet, les opérateurs de téléphonie diffusent déjà de la télé sur leurs portables mais via la 3G, c'est-à-dire le réseau téléphonique. Problème, c'est onéreux et plus il y a de téléspectateurs simultanément, plus la qualité d'image se dégrade, ce qui explique que la télé via la 3G n'a jamais vraiment pris. De plus, l'Internet mobile se développant à la vitesse d'un ADSL au galop, cela ajoute à la saturation du réseau. Bien sûr, les opérateurs de téléphonie ne l'entendent pas de cette oreille et préféreraient continuer à développer la 3G, d'autant qu'ils rémunèrent très peu les télés qui y sont diffusées.

Cul-de-sac. «La question, résume un spécialiste de la télé mobile, c'est : qui paie ? Et sur quel fondement ? C'est-à-dire quel est le profit que chacun tire de la TMP ?» Et c'est précisément cette question qui aboutit à un cul-de-sac : «Aujourd'hui, estime-t-on au sein d'une des chaînes, nous n'avons aucune visibilité et aucun modèle économique, dans ces conditions il est difficile pour nous de nous lancer tête baissée.» Pour ne rien arranger, les expériences à l'étranger sont peu concluantes : l'Allemagne vient de laisser tomber et la Grande-Bretagne ne s'est même jamais lancée. Même en Corée du Sud où la TMP est partout et gratuite, elle coûte très cher aux chaînes qui y sont diffusées car elle n'attire pas la publicité. «C'est une phase de désamour», euphémise un des acteurs, tandis qu'un autre s'agace : «Si il n'y pas une volonté politique pour que ça se débloque, la TMP risque de ne pas se développer du tout.»

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