«L’illustration parfaite d’une collusion assez malsaine»

par Erwan Cario et Alexandre Hervaud
publié le 24 mai 2011 à 9h58
(mis à jour le 24 mai 2011 à 10h03)

L’e-G8 Forum est loin de faire l’unanimité. Parmi ses détracteurs, nombreux, on trouve des activistes, des artistes, des politiques…

«Ce forum n’a que le vernis de la modernité»

Christian Paul, député de la Nièvre (PS)

«L’organisation de ce forum commet le même contresens que la composition du Conseil national du numérique en limitant la sociologie des participants aux entreprises. C’est faire machine arrière par rapport à tout ce qu’a apporté Internet. Mettre ainsi en avant les géants du Net, et condescendre à inviter les autres acteurs, c’est très réducteur. Et limiter un rendez-vous de cette nature, destiné à alimenter la réflexion des responsables politiques, à l’aspect économique, ça ressemble à une fausse démocratie dépassée. Je crois que, pour Nicolas Sarkozy et ses conseillers, Internet est une immense révolution contre-culturelle dont ils n’ont pas les codes. Ce n’est pas bien quadrillé comme un jardin à la française. Ce n’est pas non plus une pyramide. Alors ils se rabattent sur cette idéologie du filtrage et les lois répressives qu’on connaît.

Ils essaient, quoi qu’il en coûte, d’obtenir un moyen de contrôle.

«Cet "Internet civilisé", ça ressemble quand même aux "guerriers blancs qui apportent le bonheur à l'Afrique", c'est un langage de colonisateur. Ce forum n'a que le vernis de la modernité, c'est une conception moyenâgeuse du débat. A l'heure des barcamps [les réunions publiques et ouvertes de l'ère numérique, ndlr] , ça sent un peu la naphtaline.»

«Sarkozy, futur candidat en campagne, veut faire oublier sa manie du Net civilisé»

Jérémie Zimmermann, de la Quadrature du Net, organisation de défense des droits et libertés sur Internet

«Ce e-G8 est une mascarade à trois niveaux. C’est avant tout un blanchiment en règle du bilan de Nicolas Sarkozy après quatre années calamiteuses pour tout ce qui touche au Net. On a là un futur candidat en campagne qui veut faire oublier sa manie de l’Internet civilisé, comme on a pu le voir lors du lancement du Conseil national du numérique.

«Deuxièmement, c'est un écran de fumée pour masquer l'action des différents gouvernements internationaux en matière de régulation, qu'il s'agisse de l'ACTA [un accord commercial anticontrefaçon négocié dans le plus grand secret, ndlr] , des actions entreprises contre WikiLeaks, ou de celles menées pour la défense aveugle de la propriété intellectuelle, le tout bien caché derrière les paillettes de Publicis.

«Enfin, cet événement est l’illustration parfaite d’un mélange des genres, d’une collusion assez malsaine entre d’un côté des entreprises invitées comme Google et Facebook, dont on connaît la réputation en matière de respect des données personnelles, et de l’autre des partenaires opposés à l’Internet libre et ouvert. On y trouve Orange et sa vision très relative de la neutralité du Net, surtout avec ses offres mobiles, sans parler de Vivendi qui avait donné son nom à un amendement liberticide déposé en 2006 pour lutter contre le peer-to-peer… Plutôt que de les mettre sur un podium, ce sont ces entreprises qu’il vaudrait mieux réguler au lieu de la société civile !»

Paru dans Libération du 24 mai 2011

Photo François Patriat, CC BY

_ Photo Jérémie Zimmermann : Re:Publica, CC BY

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