La BD tisse sa Toile

par Gwendal Fossois
publié le 29 juin 2011 à 11h57
(mis à jour le 29 juin 2011 à 12h00)

Un éditeur de BD indé, Ego comme X , investit la Toile. Comme d'autres, il propose en lecture gratuite les premières pages de l'ensemble de son catalogue, mais au même moment il met en place un système de publication à la demande inédit dans le domaine du neuvième art. Cet éditeur pose ainsi les prémices d'une révolution dans le monde de la bande dessinée indépendante, dont il est un des modèles historiques.

Fondé au début des années 90 autour de la revue du même nom, Ego comme X s'est enrichi d'une quarantaine de titres à caractère autobiographique ou relevant de l'autofiction. Des auteurs de talent y ont été révélés : Fabrice Neaud, un des fondateurs, y a édité son Journal en quatre tomes à partir de 1994, un récit intime époustouflant sous forme de roman graphique. Depuis une quinzaine de jours, tous les titres maison sont disponibles en preview sur Digibidi.com, acteur incontournable de la BD numérique. On peut feuilleter les premières planches des ouvrages sans dépenser un sou et sans limitation de durée. Le mode de lecture par players et en streaming permet d'intégrer ces mêmes players sur son blog ou site personnel et d'élargir ainsi la diffusion d'un titre.

Si l'offre d'achat de titres en numérique est encore en discussion, Ego comme X suit malgré tout un mouvement général d'intérêt de la BD indé pour le Web. Nombreux sont les éditeurs à utiliser le système de preview sur Digibidi : Futuropolis propose ainsi les premières pages de plus de 130 albums. L'offre est couplée avec un accès gratuit à de nombreux extraits d'ouvrages sur leur site Internet. Mais Ego comme X va plus loin : il propose la lecture en ligne en intégrale d'une dizaine de titres inédits et épuisés. Par exemple, les Sœurs Zabîme , trois courts récits d'Aristophane parus entre 1993 et 1996 dans la revue. «C'est la diffusion de la pensée qui m'anime , affirme Loïc Néhou, éditeur et auteur de la maison. Je pense qu'une œuvre a tout à gagner à être vue et lue.» Rien de très novateur ? Certes, mais une aide manifeste pour un petit éditeur de BD indé. Ego comme X réaffirme son identité même, pensant à l'intérêt de l'auteur avant celui de l'éditeur.

Dernière initiative : développer un service de BD à la demande. Le principe : le livre n'est pas distribué en librairie, mais le lecteur peut commander sa version papier sur le site. Les ouvrages concernés sont des titres épuisés, qui bénéficient donc d'une réédition en tirages exceptionnels, comme Palaces de Simon Hureau. Ou ce sont des nouveautés dont les ventes escomptées ne compenseraient pas le coût d'impression -- Little Things de Jeffrey Brown, à paraître en septembre.

«Il s'agit d'un complément de service , explique Loïc Néhou. Pour un éditeur indépendant qui a des moyens limités, ce principe m'a semblé intéressant. Le marché est en train de bouger énormément, il faut réagir, réfléchir à de nouveaux modèles. C'est une petite révolution de faire des choses comme cela, d'éviter une impression à l'aveugle.» On pense alors au désastre que vivent les Requins Marteaux -- qui ont publié le Pinocchio de Winshluss en 2008. L'éditeur a lancé un appel à l'aide à ses lecteurs il y a un mois pour dynamiser les ventes, sans quoi il pourrait fermer boutique.

Paru dans Libération du 28 juin 2011

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