La BNF en chantier numérique

par Frédérique Roussel
publié le 14 novembre 2007 à 1h28

Branle-bas de combat à la Bibliothèque nationale de France (BNF). A l'ère des nouvelles technologies, du web 2.0 et de l'offensive des baleines privées du réseau type Google, il est plus que temps. La vieille dame se lance donc dans un projet de numérisation de masse de ses documents : 300 000 en trois ans. C'est ce changement d'échelle que le nouveau président, Bruno Racine, traduit par «des morceaux choisis aux oeuvres complètes». En clair, de l'artisanat de Gallica, la bibliothèque en ligne pionnière lancée en 1997, à l'industriel. Le contrat a été signé en septembre avec une société française privée, la Safig. Coût total du chantier : de l'ordre de 26 millions d'euros. L'Etat met au pot 8 millions dès la première année. L'investissement comprend la conservation des documents.

Sauvegardes. «Nous visons une numérisation pérenne par opposition à une numérisation jetable», a souligné Bruno Racine. En dix ans, 10 milliards de documents ont été collectés sur Internet, ce qui correspond à 110 téraoctets. Le dépôt légal numérique, dont la mission a été confiée à la BNF en 2006, n'a fait que renforcer la masse aspirée sur la Toile. Mais les supports ne sont pas éternels, même si au moins deux sauvegardes destinées à deux endroits différents sont effectuées. La BNF a développé le Spar (Système de préservation et d'archivage réparti), «véritable magasin numérique», qui permet de multiples copies et assure une surveillance continue de l'état des fichiers. Il s'agit finalement de la cinquième tour, virtuelle celle-là, en référence aux quatre de Tolbiac.

Loin d'être délaissée, Gallica, avec ses 90 000 titres numérisés, des OEuvres complètes de Rutebeuf au Lys dans la vallée de Balzac, va vivre une mutation décisive dans «l'esprit web 2.0». Dans un an, Gallica 2 aura fini de muer avec l'ouverture d'espaces personnels, la possibilité de créer des groupes, voire des alertes. La BNF travaille même déjà dans la perspective du web sémantique, notamment avec des systèmes qui génèrent des liens entre des textes qui se citent les uns les autres.

Copyright. Cerise sur le gâteau numérique: la BNF a conclu un accord avec le Syndicat national de l'édition (SNE) sur un modèle économique et juridique pour donner un accès public aux oeuvres numérisées soumises à droits d'auteur. On a même une échéance : au prochain Salon du livre sera présenté un prototype de ce site. Il permettra l'accès gratuit aux oeuvres du patrimoine (soixante-dix ans après la mort de l'auteur) et un accès aux oeuvres sous droit moyennant paiement en ligne. Un des reproches faits à Google était de numériser les ouvrages en s'embarrassant peu du copyright. «Il m'est apparu que nous devions nous concerter avec les éditeurs pour éviter avec la chaîne du livre ce qu'a subi la chaîne du disque», a expliqué le président de la BNF.

Et où en est la Bibliothèque numérique européenne (Bnue), justement lancée en opposition à l'ogre Google sous l'ère Jean-Noël Jeanneney ? Une nouvelle fondation, l'European Digital Library a été mise en place à La Haye en septembre. Elle devrait présenter au deuxième semestre 2008 une version bêta de la future Bnue.

Autre chantier de la BNF : la réfection de son site historique rue de Richelieu à Paris, qui abrite 20 millions de documents. Les travaux débuteront en 2009 pour une réouverture totale en 2014. L'équivalent de 40 km de rayonnages vont être déplacés. Tant de prometteuses grandes manoeuvres en perspective.

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