La Sacem à YouTube : « Diffusez tout, mais payez-nous ! »

Catherine Kerr-Vignale, membre du directoire de la Sacem, revient sur les négociations tendues entre la société d'auteurs et YouTube.
par Alexandre Hervaud
publié le 7 avril 2009 à 15h38

Face à YouTube, la plateforme vidéo du géant Google, les sociétés d'auteurs européennes se rebiffent. Après l'Angleterre et l'Allemagne , la France hausse à son tour le ton par le biais de la Sacem . La semaine dernière, dans une interview accordée au site E24 , Catherine Kerr-Vignale, membre du directoire de la Sacem et responsable des perceptions, semblait déterrer la hache de guerre. Elle affirmait alors que la Sacem pourrait prochainement «prendre des mesures sévères» contre YouTube en cas de non-signature d'accords sur la rémunération des artistes. Des accords qui sont en constante négociation, avec plus ou moins de bonne volonté, depuis 2007.

Jointe hier par téléphone, Catherine Kerr-Vignale nous prévient que pour connaître les détails de ces discussions, il faudra repasser. «On est soumis aux contrats de confidentialité que les juristes américains nous font signer avant chaque rendez-vous» , assure-t-elle. Fort logiquement, le modèle d'accord espéré par la Sacem avec YouTube est sensiblement le même que celui signé avec Dailymotion en décembre. «Nous désapprouvons le statut de ces plateformes 2.0 tel qu'il est décrit dans la Loi pour la Confiance en l'Economie Numérique (LCEN). Le statut d'hébergeur les protège, alors qu'ils gagnent de l'argent en proposant du contenu protégé. La signature de l'accord avec Dailymotion nous conforte dans notre position» .

La nature mondiale des négociations avec YouTube ne facilite évidemment pas les choses, comme le montrent les récents déboires du site avec les homologues anglais et allemands de la Sacem. Tentés par les propositions initiales de YouTube, «ils ont accepté de signer des accords, arrivés à terme désormais, que nous avions toujours refusé» , rappelle Catherine Kerr-Vignale. Et de préciser : «ces accords-là étaient basés sur une base forfaitaire, et non proportionnelle» . Comprendre : les sociétés d'auteurs concernées recevaient une somme fixe, généralement peu mirobolante, qu'un clip soit vu 3 ou 5465413 fois, même tarif. On peut du coup comprendre la révolte de la PRS anglaise et de la Gema allemande, même si la Sacem se distingue de ces homologues en terme d'exigence. «L'option d'un pourcentage sur les recettes publicitaires nous semble plus adaptée que celle d'un montant, même minime, perçu lors de chaque lecture» . Cette dernière option, souhaitée par ses homologues européens et qualifiée d' «exorbitante» par YouTube, paraît en effet peu probable.

Qualifier les sites de partages vidéos de zones de non-droit apparaît malgré tout plutôt exagéré face aux mesures mises en place pour limiter la mise en ligne de contenus protégés. YouTube propose ainsi une solution de traçage des vidéos protégées, via sa solution Content ID . « Automatique et gratuit », comme le vante YouTube, elle permet de bloquer, monétiser et d'effectuer un suivi des statistiques de lecture. La vidéo de présentation ci-dessous (en anglais) illustre le fonctionnement de Content ID.

Catherine Kerr-Vignale ne semble toutefois pas intéressée par ce genre d'application. «Nous n'avons pas la politique d'une chaîne de TV dont le contenu serait illégalement posté. Notre but à nous, en tant que société représentant les auteurs, n'est pas de bloquer, mais de voir le contenu diffusé au maximum avec rémunération. On dit à YouTube, en gros, diffusez tout, mais payez-nous !» . YouTube, de son côté, préfère clairement couper le robinet à clips en cas de désaccord profond avec ses partenaires.

Récemment interrogé sur la loi Hadopi , le compositeur et président de la Sacem Laurent Petigirard a exprimé ses vues sur les nouveaux moyens d'assurer des échanges de fichiers musicaux en toute légalité. Il semble miser sur un système qui permettrait de tracer les œuvres musicales téléchargeables tout en respectant les droits. Opposé à la licence globale, il a ainsi déclaré : «À titre personnel, ce qui n'engage donc pas la Sacem, je pense que nous arriverons à une nouvelle forme de licence où les utilisateurs, moyennant une majoration de leur abonnement à laquelle aura participé le fournisseur d'accès, auront accès à des fichiers fournis par l'ensemble des producteurs avec des fichiers sains et normés, assurant une parfaite traçabilité des ayant droits.»

Dans l'immédiat, il semble que les négociations entre YouTube et la Sacem qui s'éternisent depuis deux ans, soient sur la voie de la reprise. Depuis sa sortie un tantinet menaçante, Catherine Kerr-Vignale a reçu un mail d'un responsable de YouTube qui, très avenant, lui a proposé un rendez-vous. Entre les deux parties, il y a donc une ouverture, mais rien ne dit qu'ils pourront conclure.

Sur le même sujet :

- Face à la Sacem anglaise, YouTube la met en veilleuse

- Après l'Angleterre, YouTube bloque les clips en Allemagne

Lire les réactions à cet article.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique

Les plus lus