Série

La Télé libre, laboratoire de contre-pouvoir

Les sites d’informations sur le Net (2/6). Un média créatif et indépendant, c’est l’aventure tentée depuis deux ans par la webtélé.
par Frédérique Roussel
publié le 30 mars 2009 à 6h52
(mis à jour le 30 mars 2009 à 6h52)

Inutile de le chercher à La Télé libre, John Paul Lepers est sur la route. Le journaliste sillonne l'Europe avec son équipe pour un documentaire commandé par France 4. Au menu : le sexe et l'amour dans la perspective des élections européennes. A Lille avec des rappeurs, à Bruxelles avec une sexologue spécialiste de l'orgasme féminin, à Amsterdam avec des prostituées… L'ancien reporter du Vrai Journal de Canal + vient d'achever, sur le même principe du road-movie en camping-car, un docu sur le logement (1) qui sera diffusé une semaine après le petit écran sur latelelibre.fr. L'insolent point rouge bouge encore.

«Bénévolat». En lançant La Télé libre, le 24 janvier 2007, ses cinq fondateurs rêvaient «d'inventer un nouveau média» qui ne ferait pas de compromis et à montrer ce qui ne passe pas à la télé. Deux ans et deux mois plus tard, le bilan est contrasté. Question viabilité financière, c'est un fiasco. «Il n'y a pas de modèle économique, reconnaît Lepers qui s'est remis à chercher activement du travail après être arrivé en fin de droits. La Télé libre fonctionne grâce au bénévolat, mis à part un salarié aidé.» Pas de rédaction, pas de charges, un hébergement et du matériel prêtés gracieusement, 30 000 euros de dons en deux ans et 1 000 vidéos postées à raison d'une mise en ligne quotidienne.

Petit Poucet gratuit du Web, avec 100 000 visiteurs mensuels, le site s'est allié avec des congénères, Agoravox et Bakchich, pour proposer une offre publicitaire commune, «Stop Intox», commercialisée par la régie Manchette. «Mais on est nul en référencement et en intégration pub», précise John Paul Lepers, pour qui «la réalité humaine est plus forte que la réalité économique». La rentabilité compte moins que de fédérer la profession, d'accueillir les bonnes volontés et de réfléchir aux pistes possibles. Les road-movies pour France 4 vont se décliner en films participatifs sur latelelibre.fr. Chaque thème sera décliné sur une carte géographique, que les correspondants et les internautes vont enrichir. Ces documentaires éclatés pourraient ensuite reconstruire d'autres films.

Laboratoire, La Télé libre sert aussi à tester des concepts d'émission, comme le Point rouge, sorte de happening citoyen dans la rue où Lepers va à la rencontre de manifestants ou d'ouvriers, tapis rouge sur l'épaule. Elle représente aussi un tremplin pour une école populaire dont il rêve depuis longtemps : «En deux ans, on a formé soixante-dix personnes, des stagiaires ou des gens venus de leur propre chef apprendre une certaine écriture de l'image.» Certains collaborateurs bénévoles ont essaimé, comme le dessinateur Xavier Lacombe qui a été repéré par l'Echo des savanes.

Apprentissage. Le projet d'école, en discussion avec un centre de formation reconnu, est d'enseigner le reportage citoyen à des jeunes des quartiers de la région parisienne, entre prise d'images télé et publication en ligne. Trois films seraient ensuite tournés par La Télé libre sur cet apprentissage de la technique et de l'éthique du journalisme. «Même si c'est déraisonnable, avance John Paul Lepers de son escale néerlandaise, nous sommes en pleine mutation des médias, faut pas qu'on lâche.»

(1) JPL en camping-car, un toit pour moi, mardi 7 avril à 20 h 35, sur France 4.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique

Les plus lus