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Libération

La blonde, la brune, l’Amérique

par Tania Kahn
publié le 14 décembre 2012 à 17h26

Lorsque Rachid Bouchareb signe un nouveau film, c'est forcément pour silloner le terreau du métissage, de l'identité et du déracinement, cher au réalisateur d'Indigènes. Après une immersion auprès des enfants perdus de la guerre du Vietnam, nés d'un parent américain, l'autre asiatique (Poussières de vie) , une plongée au cœur de l'immigration africaine aux Etats-Unis (Little Senegal) et un retour, donc, sur l'engagement des soldats des anciennes colonies françaises lors la Seconde guerre mondiale, sa caméra virevolte à nouveau et se fixe cette fois sur les relations qu'entretiennent les Etats-Unis avec le monde arabe. Ca donne Just like a woman, un téléfilm coproduit par Arte.

Dans une banlieue populaire et métissée de Chicago, Marylin (Sienna Miller) et Mona (Golshifteh Farahani) partagent un quotidien morose. Blondeur américaine, blue-jean et chapeau de cow-boy, Marylin cohabite avec un mari aussi désœuvré qu’imbibé. Plus réservée, Mona, une beauté orientale, charrie une sorte de tristesse permanente, cernée par le carcan de la tradition religieuse, incarné par une belle-mère tyrannique et encombrante.

La belle-mère trépassée et le mari volage de Marylin démasqué, la blonde et la brune embarquent à bord d'une petite auto décapotable, pour un road movie façon Thelma et Louise à travers réserves indiennes, rades de bords de route et visages stéréotypés de l'Amérique profonde. Chemin faisant, elles troquent leurs talents de danseuses orientales en échange de menus dollars, subissant au passage l'esprit mal placé de ceux qui confondent danseuse et fille de joie.

Se dessine en filigrane un portrait des classes populaires, gangrenées par le chômage et la peur de l’étranger, confondant islam et islamisme. Nombreuses sont les scènes d’altercation entre culture occidentale et orientale, pétries de préjugés. Des scènes de racisme ordinaire. C’est aussi un film bruyant, où la chaleur et le vacarme de la banlieue de Chicago sont perceptibles, à portée de main. Quand d’autres fois, sur la route, le film s’accorde de longues respirations, des moments de pause et d’introspection.

Un regret peut-être, on n'évite pas les clichés (le meilleur ami gay) ni les mises en situation au dénouement assez prévisible. Mais filmé de très près, caméra à l'épaule, au plus près de leurs émotions et des ondulations de leurs corps en mouvements, Just like a woman est juste un joli film.

Just like a woman, Arte, ce soir, à 20h50

Paru dans Libération du 14 décembre 2012

Just Like a Woman

_ Arte, ce soir, à 20 h 50.

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