La carte de presse à débat immédiat

par Isabelle Hanne
publié le 4 octobre 2012 à 11h38
(mis à jour le 4 octobre 2012 à 11h39)

Ils s'en sont beaucoup plaints : plusieurs collaborateurs du Petit Journal (Canal+) se sont vus refuser leur carte de presse en 2012. «Mélange des genres» de «l'infotainment» , avait plaidé en janvier Eric Marquis, alors président de la Commission de la carte de presse d'identité des journalistes professionnels (CCIJP), l'organisme qui attribue le précieux sésame. Même mésaventure pour Denis Olivennes, actuel patron d'Europe 1, quand il était directeur du Nouvel Observateur . «On peut avoir la carte de presse quand on est directeur, mais à la condition d'avoir été journaliste au moins deux ans auparavant , précisait hier Richard Lavigne, l'actuel président de la CCIJP. Lui n'a jamais été journaliste : avant, il était à la Fnac.» Les sixièmes Assises internationales du journalisme et de l'information , à Poitiers (Vienne), se sont penchées hier matin sur ce petit rectangle de plastique barré du drapeau tricolore.

Si la carte de presse n’est pas une exception française -- elle existe dans d’autres pays --, elle est la seule à être attribuée par une commission, installée par la loi du 29 mars 1935 (ailleurs, ce sont les employeurs ou encore les syndicats qui s’en chargent). Pour l’obtenir en France, il faut prouver que la part des revenus issus du journalisme représente plus de la moitié de ses ressources mensuelles, et un demi-Smic minimum. La nature de l’entreprise ainsi que le poste occupé sont également examinés.

Yann Barthès et Denis Olivennes seront ravis d'apprendre que la carte de presse a été refusée à un journaliste-veilleur de nuit : «La majorité de son temps était consacrée à son autre activité» , a précisé Eric Marquis. Mais elle a en revanche été accordée à un journaliste-pompiste : «La majorité de ses revenus émanait du journalisme.»

La carte de presse est «un outil de travail, comme un carnet ou un stylo» , précise Eric Marquis. Elle a «une fonction régulatrice, notamment sur le marché du travail , avance Denis Ruellan, chercheur au Crape-CNRS. Elle a aussi une fonction morale» .

Le nœud de la discussion est là : la carte de presse, et la Commission qui l'attribue, doivent-elles assumer une fonction éthique, déontologique ? PPDA, après sa fausse interview de Fidel Castro, en 1992, a conservé sa carte de presse… «On pourrait, par exemple, demander au journaliste de signer une charte au moment où on demande ou renouvelle sa carte de presse» , propose Jérôme Bouvier, médiateur de Radio France et aussi à l'initiative des Assises du journalisme. Un Observatoire de la déontologie de l'information a d'ailleurs été lancé hier midi lors de ces Assises. Certains voudraient en outre que cet outil de veille, qui doit déceler les causes de dysfonctionnements et les bonnes pratiques de l'information, soit rattaché à la Commission de la carte de presse.

Paru dans Libération du 3 octobre 2012

De notre envoyée spéciale à Poitiers (Vienne)

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