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Libération

La copie privée ne doit pas payer pour le piratage

par Sébastien Delahaye
publié le 15 juillet 2008 à 18h38
(mis à jour le 15 juillet 2008 à 19h34)

La taxe pour la copie privée roule depuis quelques semaines sur un joli circuit de montagnes russes: un jour promise à la baisse, le lendemain maintenue au niveau actuel, voire augmentée. Cette taxe est appliquée depuis 2001 aux CD et DVD gravables, et depuis l'an dernier sur les clefs USB et autres espaces de stockage externes, afin de compenser pour les ayants droit l'usage en France de la copie privée d'une œuvre.

Depuis plusieurs semaines, la rémunération actuelle, établie en juillet 2006 et valable jusqu'en fin d'année, était contestée devant le Conseil d'Etat par le Syndicat de l'industrie de matériels audiovisuels électroniques (Simavelec). Le montant actuel de la taxe prend en effet en compte, entre autres, la copie illicite d'œuvres. Or, selon le Simavelec, ce n'est absolument pas la vocation d'une taxe sur la copie privée. La copie privée, dans le droit d'auteur français, permet de réaliser une copie (pour de la famille, des amis, pour utilisation en voiture ou sur baladeur...) d'une œuvre que l'on a acheté pour son usage privé. Aucun rapport donc avec la copie illicite, typiquement le téléchargement de mp3 ou de films. Vendredi, c'est bien en faveur du Simavelec que le Conseil d'Etat a tranché, estimant que la rémunération pour la copie privée ne pouvait tenir compte de copies autres que licites. Le Conseil d'Etat a cependant repoussé à six mois l'application de sa décision, afin de permettre l'établissement de nouveaux tarifs.

Mais la riposte ne s'est pas faite attendre du côté des ayants droit: dès vendredi soir, Marc Guez, directeur général de la Société Civile des Producteurs Phonographiques (SCPP), indiquait à 01net qu' «il n'y a aucune raison de baisser le montant de la redevance. On pourrait même le relever. Nous avions fait beaucoup de concessions pour que la redevance ne soit pas trop élevée pour les consommateurs [...]. Eh bien nous allons être beaucoup moins complaisants.» Et de continuer: «Il suffira de remonter [le montant] à sa valeur réelle. Il y a une bonne marge, puisque nous estimons que la redevance actuelle est dix fois moins élevée que son coût réel pour la filière.» Ce matin, dans un communiqué commun, d'autres associations d'ayants droit (Sacem, Sorecop, Copie France, Sofia et Ava) en ont remis une couche: «les barèmes prévus par la décision du 20 juillet 2006 ont été adoptés après qu'elles aient accepté de faire des concessions extrêmement importantes, dans un contexte où la détermination du montant des rémunérations ne prenait pas en compte l'origine –licite ou illicite– des copies. Dès lors que seule une partie des copies privées effectuées sera prise en compte, les ayants droit seront fondés à réexaminer l'importance de ces concessions, ce qui est susceptible, dans le respect de la décision du Conseil d'Etat, de préserver le niveau actuel des barèmes de rémunération.»

Avec le report d'application de la décision du Conseil d'Etat, les ayants droit, seuls maîtres à bord depuis février, de la commission en charge de la copie privée, ont désormais pratiquement tout leur temps pour trouver des calculs leur permettant de conserver la taxe à son niveau actuel. En toute bonne foi, bien entendu.

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