La fraude fiscale incontrôlable sur le net

par Astrid GIRARDEAU
publié le 5 mars 2007 à 16h12
(mis à jour le 6 mars 2007 à 11h03)

Le 1er mars, la Cour des comptes a rendu un rapport de 331 pages sur La fraude aux prélèvements obligatoires et son contrôle (en PDF). Seules deux pages (1) sont consacrées à la fraude par Internet, sous le titre «Le commerce électronique et le développement d'Internet» . Car si le sujet inquiète, l'approche reste générale et aucune mesure réelle n'est proposée.

Pour commencer, le rapport rappelle que la fraude est «un acte intentionnel de la part du contribuable décidé à contourner la loi pour éluder le paiement du prélèvement.» Et un certain nombre de français profiteraient des spécificités du commerce électronique qui « rendent impossible l'application des règles fiscales traditionnelles» pour ne pas déclarer leurs revenus, ni la TVA.

Selon le rapport, ces spécificités sont au nombre de trois : dématérialisation, désintermédiation et désincarnation. La «dématérialisation» désigne la nature «invisible» des transactions commerciales. Pour les administrations de contrôle, cela complique la perception de la TVA, des impôts sur les bénéfices et des cotisations sociales. La «désintermédiation» ensuite, souligne «la disparition des intermédiaires commerciaux» qui, dans la pratique, sont généralement les collecteurs de la TVA. Dans le commerce électronique, les échanges se font le plus souvent directement entre le producteur et le consommateur. Enfin par désincarnation, le rapport pose le problème de la location géographique des activités économiques passées sur Internet. Mais également celui de situer le lieu des entreprises prestataires «qui implique normalement l'exercice effectif d'une activité économique au moyen d'une installation stable et pour une durée indéterminée».

Parmi ces lieux virtuels, le rapport pointe les sites de ventes et d'échanges en ligne (eBay, Amazon, etc.) . Forts de leur succès, ces sites ont développé un vrai marché économique parallèle. Certaines études ont ainsi révélé que 15 000 Français tireraient leurs revenus de la vente de biens sur eBay. Des rentrées presque jamais déclarées «même lorsqu'il s'agit de sommes importantes et régulières» . Et si «la recherche de cette forme particulière d'infraction apparaît complexe» , elle l'est encore plus pour les prestations de services immatériels tels la musique, les logiciels, les jeux en ligne ou les télécommunications. D'où la grande question : «comment les administrations pourront-elles s'assurer demain que les opérateurs de ses services respectent bien leurs obligations fiscales et sociales ?»

Concernant les solutions, la Cour des comptes rappelle les directives lancées successivement par l'OCDE (1998) et l'Union européenne (2002). Par exemple la mise en place d'un interlocuteur fiscal unique pour les pays tiers qui vendent aux internautes européens. Mais, celui-ci est seulement «destiné à inciter» ces pays de s'acquitter de leurs obligations. Aucune sanction est prévue. Et c'est sans compter la difficulté matérielle de tels contrôles. Un autre rapport va jusqu'à parler de «contribution volontaire» pour ce qui concerne la TVA versée par les opérateurs de ces pays tiers.

Enfin, le texte conclut que le commerce électronique va continuer à se développer - et donc parallèlement de nouvelles et importantes opportunités de fraude-, et va constituer «un véritable défi aux services de contrôle, compte tenu de la difficulté pour réaliser un contrôle sur des opérateurs virtuels» . Un fatalisme bien réel.

(1) Le commerce électronique et le développement d'Internet, pp 113-114, dans «La fraude aux prélèvements obligatoires et son contrôle» , 1er mars 2007. .

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