La fusion avec France 24 met RFI en ébullition

par Isabelle Hanne
publié le 2 décembre 2011 à 10h46

Les ascenseurs de RFI, dans la Maison de la radio à Paris, ne diffusent plus que de la musique et des tops horaires. La radio mondiale est en grève depuis lundi pour tenter d'enrayer le processus de fusion avec France 24. Hier après-midi, une centaine de salariés (sur les 750 environ que compte la station) étaient réunis en assemblée générale pour décider de la poursuite du mouvement. Ils estiment que cette fusion avec «Télé Sarko» est «menée au pas de charge» par l'Audiovisuel extérieur de la France (AEF), qui coiffe RFI, France 24 et une partie de TV5 : cette semaine se succèdent les consultations, pour parvenir dès demain à la convocation des différents conseils d'administration et valider la fusion.

«On ne comprend pas pourquoi ils veulent aller si vite, alors que la justice pourrait invalider la procédure» , s'étonne Elisa Drago (SNJ-CGT). La cour d'appel de Paris, saisie par les instances du personnel, doit en effet rendre son jugement sur la régularité de la procédure le 16 janvier. Par la grève, les syndicats (tous d'accord cette fois, CFDT comprise) demandent le gel de la consultation des instances jusqu'à cette date. La direction de l'AEF considère que le tribunal lui a donné raison en première instance et que la procédure en cours n'est pas suspensive. «En plus, la fusion juridique effective n'est décidée qu'en assemblée générale des actionnaires [l'Etat] , assure à Libération Pierre Hanotaux, le numéro 2 de l'AEF. Et cette réunion aura lieu après la décision en appel.»

L'AG a lieu au septième étage, où se trouvent les bureaux de la direction. Debout ou assis en tailleur sur la moquette rouge, les salariés mobilisés entourent les représentants du personnel et des syndicats, qui font le point, dos aux ascenseurs métallisés. Du coup, impossible de louper l'arrivée impromptue de Pierre Hanotaux, présenté en fanfare à l'assemblée, rigolarde. Il rentre la tête dans son pardessus et accélère le pas. Elisa Drago donne l'ordre du jour : «Après le vote, on se donne rendez-vous à 17 heures devant l'Assemblée nationale et…» «On s'immole par le feu !» l'interrompt un salarié.

Malgré le badinage, ils sont, pour beaucoup, très remontés et fermement opposés à la fusion et au déménagement à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), à côté de France 24. «Cette fusion, c'est pour nous démolir !» lance quelqu'un dans l'assistance. Avec l'entreprise unique et la disparition de l'entité commerciale de RFI, ils craignent tout simplement que l'AEF cherche à déshabiller Paul pour habiller Jacques, le «siphonnage» des moyens de la station puis, tout bonnement, sa disparition. «Il n'y a aucune transparence! regrette Julio Feo, secrétaire du CHSCT qui travaille pour l'antenne espagnole. On a dû contester toutes les décisions et faire intervenir des expertises extérieures pour mettre la main sur certains documents.»

Le passage à une entreprise unique RFI-France 24, avec à la clé un nouveau plan social de 126 départs volontaires, est au cœur de leurs préoccupations. Quelles modalités ? Quel avenir pour les techniciens radio ? Et pour les rédactions dans les différentes langues ? Ludovic Dunod, délégué CFDT et membre du comité d'entreprise, s'inquiète : «Face à nos questions pragmatiques, on a des gens qui ne sont pas à la hauteur du bousin qu'ils sont en train de mettre en place.» «L'entreprise unique, c'est pas un drame, estime Marc Thiebault (CFDT). Le problème, c'est que derrière il n'y a rien, aucun projet d'entreprise.» Du côté de l'AEF, on répond que le processus de fusion juridique n'est qu'un «outil, pas une fin en soi : pour l'instant, notre projet reste très macro, précise Hanotaux. Une fois la fusion validée, on pourra passer au travail chirurgical. On n'a aucune envie de tuer RFI. C'est une marque extrêmement forte.»

La pièce est maintenant bondée, les gens ont les joues rougies par la chaleur et l'excitation. Un salarié, lyrique : «On a affaire à des happy few qui ont une vision dogmatique de l'humain. On est vus comme des pions dans ce projet… Je vais ouvrir la fenêtre, on étouffe ici.» «Surtout ne saute pas !» La poursuite de la grève a été votée à l'unanimité.

Paru dans Libération du 1 décembre 2011

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