La jante féminine

par Isabelle Hanne
publié le 8 mars 2011 à 18h46

Ambiance piliers de bar, grosses vannes et rires gras. «D'après les statistiques, les femmes ont moins d'accidents. -- Mais alors, putain, qu'est-ce qu'elles en provoquent !» C'est ainsi que s'ouvre le joli film de Brigitte Chevet ( Mourir d'amiante, Jupe ou pantalon ? ), qui s'interroge sur l'origine de ces préjugés, tenaces, contre la femme au volant. Que représente la voiture pour la femme ? Que représente la femme en voiture pour l'homme ? Le documentaire dresse la chronologie d'un siècle de conquête progressive du volant par les femmes, des pionnières de la route jusqu'aux conductrices responsables, sans oublier les potiches du Salon de l'auto.

Femmes au volant n'hésite pas à inscrire ces évolutions dans la grande histoire des combats féministes. Ce n'est pas un hasard si les deux premières détentrices de permis sont deux militantes pour le droit des femmes. Même si aucune loi n'interdit à la femme de conduire, on la juge trop émotive et trop distraite pour prendre le volant. Un avis forcément objectif qu'on s'empressera pourtant d'oublier durant la Première Guerre mondiale, où l'on voit pour la première fois des femmes conduire taxis, tramways et autres ambulances. La voiture devient même tout un symbole : pour l'obtention du droit de vote, c'est en automobile que les suffragettes manifestent à Paris. Seule évolution notable dans l'entre-deux-guerres, l'apparition de «concours d'élégance automobile» , et les débuts de l'alliance de la mode avec l'auto. Il faudra attendre la Seconde Guerre mondiale et un investissement encore plus grand des femmes dans l'effort de guerre pour qu'elles obtiennent enfin le droit de vote. Et depuis, l'accès de plus en plus important aux «métiers d'hommes» motorisés.

Ce film très personnel et plein d'humour, soigneusement mis en image, n'occulte pas les régressions dans ce rapport dudit sexe faible aux voitures. Ainsi la confusion, grandement utilisée dans l'imagerie publicitaire, entre la femme et la voiture, toutes deux objets de désir. «La voiture, accessoire de la femme ? À moins que ce ne soit le contraire…» dit, perfide, le commentaire en voix off, parfois un peu appuyé. Et l'ambiguïté que la société de consommation impose aux femmes : être à la fois cliente et pin-up qui fait vendre ; à la fois conductrice et passagère.

Paru dans Libération du 8 mars 2011

Femmes au volant

_ documentaire de Brigitte Chevet

_ France 5, ce soir à 20 h 35.

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